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L'abîme

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2017
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Une seconde suffît à la main agile d'Obenreizer pour faire avancer le régulateur du chiffre 1 au chiffre 2. À moins que le notaire, regardant de nouveau le cercle d'acier, ne s'aperçût de ce changement, la porte allait s'ouvrir à huit heures du soir, et personne, Obenreizer excepté, n'en saurait rien.

– Je n'ai point vu remuer ces boîtes, – dit Maître Voigt, – Vos chagrins, mon fils, vous ont ébranlé les nerfs. Vous avez vu l'ombre projetée par le vacillement de ma bougie. Ou bien encore quelque pauvre petit coléoptère qui se promène au milieu des secrets du vieil homme de loi… Écoutez! J'entends votre camarade, l'autre clerc dans l'étude. À l'ouvrage! Posez aujourd'hui la première pierre de votre nouvelle fortune!

Il poussa gaiement Obenreizer hors de la chambre noire; avant d'éteindre sa lumière, il jeta un dernier regard de tendresse sur son horloge, – un regard qui ne s'arrêta pas sur le régulateur, – et referma la porte de chêne derrière lui.

À trois heures, l'étude était fermée. Le notaire, ses employés, et ses serviteurs se rendirent au tir à la carabine. Obenreizer, pour s'excuser de les accompagner, avait fait entendre qu'il n'était point d'humeur à assister à une fête publique. Il sortit, on ne le vit plus; on pensa qu'il faisait au loin quelque promenade solitaire.

À peine la maison était-elle close et déserte, qu'une garde-robe s'ouvrit, une garde-robe reluisante, qui donnait dans le cabinet reluisant du notaire. Obenreizer en sortit. Il s'approcha d'une croisée, ouvrit les volets, s'assura qu'il pourrait s'évader, sans être aperçu par le jardin, rentra dans sa chambre, et s'assit dans le fauteuil de Maître Voigt. Il avait cinq heures à attendre.

Il tua le temps comme il put, lisant les livres et journaux épars sur la table, tantôt réfléchissant, tantôt marchant de long en large, suivant sa chère coutume. Le soleil enfin se coucha.

Obenreizer referma les volets avec soin avant d'allumer la bougie. Le moment approchait; il s'assit, montre en main, guettant la porte de chêne.

À huit heures, doucement, lentement, sans bruit, comme poussée par une main invisible, la porte s'ouvrit.

Il lut, l'un après l'autre, tous les noms inscrits sur les bottes de bois. Nulle part ce qu'il cherchait!.. Il écarta la rangée extérieure et continua son examen.

Là, les boites étaient plus vieilles, quelques-unes même fort endommagées. Les quatre premières portaient leur nom écrit en Français et en Allemand; le nom de la cinquième était illisible. Obenreizer la prit, l'emporta dans l'étude pour l'examiner plus à l'aise… Miracle! Sous une couche épaisse de taches produites par la poussière et par le temps, il lut:

VENDALE

La clef tenait par une ficelle à une boite. Il ouvrit, tira quatre papiers détachés, les posa sur la table et commença de les parcourir.

Tout à coup, ses yeux animés par une expression d'avidité sauvage se troublèrent. Un cruel désenchantement, une surprise mortelle se peignit en même temps sur son visage blêmi. Il mit sa tête dans ses mains pour réfléchir, puis il se décida, prit copie de ces papiers qu'il venait de lire, les remit dans la boîte, la boite à sa place, dans la chambre noire, referma la porte de chêne, éteignit la bougie, et s'esquiva par la croisée.

Tandis que le voleur, le meurtrier, franchissait le mur du jardin, le notaire, accompagné d'un étranger, s'arrêtait devant sa maison, tenant sa clef dans la main.

– De grâce, Monsieur Bintrey, – disait-il, – ne passez pas devant chez moi sans me faire l'honneur d'y entrer. C'est presque un jour de fête dans la ville… le jour de notre tir… mais tout le monde sera de retour avant une heure… N'est-il pas plaisant que vous vous soyez justement adressé à moi pour demander le chemin de l'hôtel… Eh bien, buvons et mangeons ensemble, avant que vous vous y rendiez.

– Non, pas ce soir, – répliqua Bintrey, – je vous remercie. Puis-je espérer de vous rencontrer demain matin vers dix heures?

– Je serai ravi de saisir l'occasion la plus prompte de réparer, avec votre permission, le mal que vous faites à mon client offensé, – repartit le bon notaire.

– Oui, oui, – fit Bintrey, – votre client offensé! C'est bon! Mais un mot à l'oreille, Monsieur Voigt.

Il parla pendant une seconde à voix basse et continua sa route. Lorsque la femme de charge du notaire revint à la maison, elle le trouva debout devant la porte, immobile, tenant toujours sa clef à la main et la porte toujours fermée.

Victoire d'Obenreizer

La scène change encore une fois. Nous sommes au pied du Simplon, du côté de la Suisse.

Dans l'une des tristes chambres de cette triste auberge de Brietz étaient assis Bintrey et Maître Voigt.

Ils étaient un conseil, – suivant les habitudes de leur profession, – un conseil composé de deux membres. Bintrey fouillait sa boîte à dépêches; Maître Voigt regardait sans cesse une porte fermée, peinte en une certaine couleur brune qui se proposait d'imiter l'acajou.

Cette porte s'ouvrait sur la chambre voisine.

– L'heure n'est-elle pas arrivée?.. Ne devait-il pas être ici?.. – fit le notaire, – qui changea la direction de son regard pour examiner une seconde porte à l'autre bout de la chambre.

Celle-là était peinte en jaune et se proposait d'imiter le bois de sapin.

– Il est ici! – répliqua Bintrey, après avoir écouté un moment.

La porte jaune fut ouverte par un valet qui introduisit Obenreizer.

Il salua Maître Voigt en entrant, avec une familiarité qui ne causa pas peu d'embarras au notaire; il salua Bintrey avec une politesse grave et réservée.

– Pour quelle raison m'a-t-on fait venir de Neufchâtel au pied de cette montagne? – demanda-t-il en prenant le siège que l'homme de loi Anglais lui indiquait.

– Votre curiosité sera complètement satisfaite avant la fin de notre entrevue, – répliqua Bintrey. – Pour le moment, voulez-vous me permettre un conseil?.. Oui. Eh bien! allons tout droit aux affaires. Je suis ici pour représenter votre nièce.

– En d'autres termes, vous, homme de loi, vous êtes ici pour représenter une infraction à la loi.

– Admirablement engagé, – s'écria l'Anglais, – si tous ceux à qui j'ai affaire étaient aussi nets que vous, que ma profession deviendrait aisée! Je suis donc ici pour représenter une infraction à la loi. Voilà votre façon à vous d'envisager les choses; mais j'ai aussi la mienne et je vous dis que je suis ici pour essayer d'un compromis entre votre nièce et vous…

– Pour discuter un compromis, – interrompit Obenreizer, – la présence des deux parties est indispensable… Je ne suis pas l'une de ces deux parties. La loi me donne le droit de contrôler les actions de ma nièce jusqu'à sa majorité. Or, elle n'est pas majeure. C'est mon autorité que je veux.

En ce moment, Maître Voigt essaya de parler. Bintrey, de l'air de compatissante indulgence qu'on emploie envers les enfants gâtés, lui imposa silence.

– Non, mon digne ami, non, pas un mot. Ne vous agitez pas vainement. Laissez-moi faire.

Et se retournant vers Obenreizer, il s'adressa de nouveau à lui.

– Je ne puis rien trouver qui vous soit comparable, Monsieur, – dit-il, – rien que le granit. Encore le granit même s'use-t-il par l'effet du temps. De grâce, dans l'intérêt de la paix et du repos, au nom de votre dignité laissez-vous amollir un peu… Ah! si vous vouliez seulement déléguer votre autorité à une personne que je connais, vous pourriez être bien sûr que cette personne ne perdrait jamais, ni jour, ni nuit, votre nièce de vue…

– Vous perdez votre temps et le mien, – interrompit Obenreizer. – Si ma nièce n'est pas rendue à mon autorité sous huit jours, j'invoquerai la loi. Si vous résistez à la loi, je saurai bien là prendre de force.

En même temps, il se dressait de toute sa taille. Maître Voigt regarda encore une fois autour de lui, vers la porte brune.

– Ayez pitié de cette pauvre jeune fille, – reprit Bintrey avec insistance. – Rappelez-vous qu'elle a tout récemment perdu son fiancé. Il est mort d'une mort affreuse… Rien ne pourra donc vous toucher?

– Rien.

Bintrey se leva à son tour et regarda Maître Voigt.

La main du notaire qui s'appuyait sur la table commença de trembler; ses yeux demeurèrent fixés comme par une sorte de fascination irrésistible sur la porte brune.

Obenreizer, qui observait tout avec méfiance, suivit la direction de ce regard.

– Il y a là une personne qui nous écoute, s'écria-t-il.

– Il y en a deux, – fit Bintrey.

– Qui sont-elles?

– Vous allez les voir.

Il éleva la voix et ne dit qu'un mot, un mot bien commun, qui se trouve journellement sur les lèvres de tout le monde.
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