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Le Collier de la Reine, Tome I

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2017
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– Et la vérité, quelle est-elle?

– Il y a entre nous un lien bien autrement fort que l'amour.

– Lequel?

– L'intérêt.

– L'intérêt? Fi! comtesse.

– Monseigneur, je vous dirai, comme le paysan normand disait de la potence à son fils: si tu en es dégoûté, n'en dégoûte pas les autres. Fi! de l'intérêt, monseigneur. Comme vous y allez!

– Eh bien! donc, voyons, comtesse: supposons que nous soyons intéressés, en quoi puis-je servir vos intérêts et vous les miens?

– D'abord, monseigneur, et avant toute chose, il me prend envie de vous faire une querelle.

– Faites, comtesse.

– Vous avez manqué de confiance envers moi, c'est-à-dire d'estime.

– Moi! Et quand cela, je vous prie?

– Quand? Nierez-vous qu'après m'avoir tiré habilement de l'esprit des détails que je mourais d'envie de vous donner…

– Sur quoi, comtesse?

– Sur le goût de certaine grande dame pour certaine chose; vous vous êtes mis en mesure de satisfaire ce goût sans m'en parler.

– Tirer des détails, deviner le goût de certaine dame pour certaine chose, satisfaire ce goût! Comtesse, en vérité vous êtes une énigme, un sphinx. Ah! j'avais bien vu la tête et le cou de la femme, mais je n'avais pas encore vu les griffes du lion. Il paraît que vous allez me les montrer, soit.

– Eh! non, je ne vous montrerai rien du tout, monseigneur, attendu que vous n'avez plus envie de rien voir. Je vous donnerai purement et simplement le mot de l'énigme: les détails, c'est ce qui s'était passé à Versailles; le goût de certaine dame, c'est la reine; et la satisfaction donnée à ce goût de la reine, c'est l'achat que vous avez fait hier à messieurs Bœhmer et Bossange de leur fameux collier.

– Comtesse! murmura le cardinal, tout vacillant et tout pâle.

Jeanne attacha sur lui son plus clair regard.

– Voyons, dit-elle, pourquoi me regarder ainsi d'un air tout effaré, est-ce que vous n'avez point hier passé marché avec les joailliers du quai de l'École?

Un Rohan ne ment pas, même avec une femme. Le cardinal se tut.

Et comme il allait rougir, sorte de déplaisir qu'un homme ne pardonne jamais à la femme qui le cause, Jeanne se hâta de lui prendre la main.

– Pardon, mon prince, dit-elle, j'ai hâte de vous dire en quoi vous vous trompiez sur moi. Vous m'avez crue sotte et méchante?

– Oh! oh! comtesse.

– Enfin…

– Pas un mot de plus; laissez-moi parler à mon tour. Je vous persuaderai peut-être, car, dès aujourd'hui, je vois clairement à qui j'ai affaire. Je m'attendais à trouver en vous une jolie femme, une femme d'esprit, une maîtresse charmante, vous êtes mieux que cela. Écoutez.

Jeanne se rapprocha du cardinal, laissant sa main dans ses mains.

– Vous avez bien voulu être ma maîtresse, mon amie, sans m'aimer. Vous me l'avez dit vous-même, poursuivit monsieur de Rohan.

– Et je vous le redis encore, fit madame de La Motte.

– Vous avez un but, alors?

– Assurément.

– Le but, comtesse?

– Vous avez besoin que je vous l'explique?

– Non, je le touche du doigt. Vous voulez faire ma fortune. N'est-il pas sûr qu'une fois ma fortune faite, mon premier soin sera d'assurer la vôtre? Est-ce bien cela, et me suis-je trompé?

– Vous ne vous êtes pas trompé, monseigneur, et c'est bien cela. Seulement, croyez-moi sans phrases, ce but-là je ne l'ai pas poursuivi au milieu des antipathies et des répugnances, la route a été agréable.

– Vous êtes une aimable femme, comtesse, et c'est tout plaisir que de causer affaires avec vous. Je disais donc que vous avez deviné juste. Vous savez que j'ai quelque part un respectueux attachement?

– Je l'ai vu au bal de l'Opéra, mon prince.

– Cet attachement ne sera jamais partagé. Oh! Dieu me garde de le croire!

– Eh! fit la comtesse, une femme n'est pas toujours reine, et vous valez bien, que je sache, monsieur le cardinal Mazarin.

– C'était un fort bel homme aussi, dit en riant monsieur de Rohan.

– Et un excellent premier ministre, repartit Jeanne avec le plus grand calme.

– Comtesse, avec vous c'est peine perdue de penser, c'est vingt fois surabondant de dire. Vous pensez et vous parlez pour vos amis. Oui, je tends à devenir premier ministre. Tout m'y pousse: la naissance, l'habitude des affaires, certaine bienveillance que me témoignent les cours étrangères, beaucoup de sympathie qui m'est accordée par le peuple français.

– Tout enfin, dit Jeanne, excepté une chose.

– Excepté une répugnance, voulez-vous dire?

– Oui, de la reine; et cette répugnance, c'est le véritable obstacle. Ce qu'elle aime, la reine, il faut toujours que le roi finisse par l'aimer; ce qu'elle hait, il le déteste d'avance.

– Et elle me hait?

– Oh!

– Soyons francs. Je ne crois pas qu'il nous soit permis de rester en si beau chemin, comtesse.

– Eh bien! monseigneur, la reine ne vous aime pas.

– Alors, je suis perdu! Il n'y a pas de collier qui tienne.

– Voilà en quoi vous pouvez vous tromper, prince.

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