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L'abîme

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2017
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Mais, en redescendant au rez-de-chaussée, reconduit par son hôte, il trouva dans le vestibule plusieurs hommes de mauvaise mine et mal accoutrés, vêtus d'ailleurs du costume Suisse qu'Obenreizer repoussa sans façon devant lui, tout en leur adressant quelques mots dans le patois du pays.

– Des compatriotes, – dit-il. – de pauvres compatriotes, reconnaissants et attachés comme des chiens pour un peu de bien que je leur fais. Adieu, Monsieur Vendale, j'espère que nous nous verrons souvent. Très enchanté…

Ce qui fut suivi de deux légères pressions aux coudes de Vendale, et celui-ci se trouva dans la rue.

Tandis qu'il se dirigeait vers le Carrefour des Écloppés, Marguerite, assise devant son métier, flottait devant lui dans l'air; il revoyait également le large dos de Madame Dor et son télégraphe. Lorsqu'il arriva, Wilding était enfermé avec Bintrey. Les portes des caves se trouvaient ouvertes. Vendale alluma une chandelle, descendit, et se mit à flâner à travers les caveaux. La gracieuse image de Marguerite marchait toujours devant lui, mais cette fois le dos de Madame Dor ne le poursuivait plus.

Ces voûtes étaient très spacieuses et très anciennes et il y avait là une crypte fort curieuse. C'était, suivant les uns le vieux réfectoire d'un monastère, suivant les autres une chapelle. Quelques antiquaires enthousiastes voulaient même y voir le reste d'un temple Païen. Mais après tout qu'importait? Que chacun donne l'origine qu'il lui plaira à ce vieux pilastre en poussière et à cette arcade en ruine, ce sont toujours des débris du temps qui les ronge également et à sa guise.

L'air épais, l'odeur de terre et de muraille moisie, les pas roulant comme le tonnerre dans les rues qui s'étendaient au-dessus de sa tête, tout cela cadrait assez bien avec les impressions de Vendale qui, décidément, ne pouvait songer qu'à Marguerite, assise là-bas, dans la maison de Soho Square et résistant à ses deux geôliers. Il marcha donc à travers les caves jusqu'au tournant d'un passage voûté. Là, il aperçut une lumière semblable à celle qu'il portait à la main.

– Est-ce vous qui êtes là, Joey? – demanda-t-il.

– Ne devrais-je pas plutôt dire: Est-ce vous, Monsieur George? C'est mon affaire à moi d'être ici; ce n'est pas la vôtre.

– Allons! ne grondez pas, Joey.

– Je ne gronde pas, – fit le garçon de cave, – si quelque chose gronde en moi, c'est le vin que j'ai respiré et pris par les pores, mais ce n'est pas moi. Oh! si vous restiez dans les caves assez longtemps pour que les vapeurs vous étourdissent, vous m'en diriez des nouvelles… Mais quoi! vous voilà donc entré régulièrement dans nos affaires, Monsieur George?

– Régulièrement, j'espère que vous n'y trouvez rien à redire?

– Dieu m'en préserve! Mais le vin que je prends par les pores et qui est grognon me dit que vous êtes trop jeunes. Vous êtes trop jeunes tous les deux.

– C'est un malheur que nous trouverons bien le moyen de réparer quelque jour, Joey.

– Sans doute, Monsieur George, mais moi, qui trouve le moyen de vieillir chaque année, je ne vous verrai point devenir sages.

Et Joey se sentit si content de ce qu'il venait de dire qu'il se mit à rire aux éclats.

– Ce qui est beaucoup moins gai, – reprit-il, – c'est que Monsieur Wilding, depuis qu'il dirige la maison, en a changé la chance. Remarquez bien ce que je vous dis. La chance est changée. Il s'en apercevra. Ce n'est pas pour rien que j'ai passé ici dessous toute ma vie. Les remarques que je fais ne me trompent jamais. Je sais quand il doit pleuvoir ou quand le temps veut se maintenir au beau, quand le vent va souffler, quand le ciel et la rivière redeviendront calmes. Et je sais aussi bien quand la chance est près de changer.

– Est ce que la végétation qui croît sur ces murs est pour quelque chose dans vos observations? – demanda Vendale, en tournant sa lumière vers de sombres amas d'énormes fongus, appendus aux voûtes, et d'un effet désagréable et repoussant.

– Oui, Monsieur George, – répliqua Joey Laddle, reculant de quelques pas. – Mais si vous voulez suivre mon conseil, ne touchez pas à ces vilains champignons.

Vendale avait pris une longue latte des mains de Joey, et s'amusait à remuer doucement les végétaux étranges.

– En vérité, – dit-il, – ne pas y toucher! Et pourquoi?

– Pourquoi?.. Parce qu'ils naissent des vapeurs du vin, et qu'ils peuvent tous faire comprendre ce qui entre dans le corps d'un malheureux garçon de cave qui vit ici depuis trente ans; parce que vous feriez tomber sur vous de sales insectes, qui se meuvent dans ces gros pâtés de moisissure, – répliqua Joey Laddle, qui se tenait toujours à l'écart, – mais il y a encore une autre raison, Monsieur George: il y en a une autre!..

– Laquelle?

– À votre place, Monsieur George, je ne jouerais pas avec cette latte. Et la raison, je vous la dirai si vous voulez sortir d'ici. Regardez la couleur de ces champignons, Monsieur George.

– Eh bien?

– Allons! Monsieur George, sortons d'ici.

Il s'éloigna avec sa chandelle. Vendale le suivit tenant la sienne.

– Mais achevez donc, Joey, – dit-il. – La couleur de ces champignons?

– C'est celle du sang, Monsieur George.

– En vérité, oui… Après?..

– Eh bien! Monsieur George, on dit…

– Qui… on?

– Comment saurais-je qui? – répliqua le vieux garçon de cave exaspéré par la nature déraisonnable de cette question. – Qui?.. On… on… Cela en dit bien assez. C'est tout le monde. Comment saurais-je qui est cet: On, si vous, vous ne le savez pas?

– C'est juste, Joey.

– On dit que l'homme qui, par hasard, est frappé à la poitrine dans les caves d'un de ces champignons qui tombent, est sûr de mourir assassiné.

Vendale s'arrêta en riant, il regarda Joey et leva les épaules, mais le garçon de cave tenait ses yeux obstinément fixés sur sa chandelle. Tout à coup Joey se sentit frappé violemment.

– Qu'est-ce? – cria-t-il.

C'était la main de son compagnon. Vendale venait de recevoir un énorme amas de ces moisissures sanglantes en pleine poitrine, et instinctivement l'avait rejeté sur Joey. Cette masse, humide venait de s'abattre sur le sol et y faisait couler une longue mare rouge.

Les deux hommes se regardèrent, pendant un moment, avec une muette épouvante. Mais ils arrivaient au pied de l'escalier des caves, et la lumière du jour leur apparut.

Vendale leva encore une fois les épaules.

– Au diable vos idées superstitieuses, Joey! – dit-il.

Et il monta gaiement les degrés.

Sortie de Wilding

Le lendemain, d'assez grand matin, Wilding sortit seul, après avoir laissé pour son commis un billet ainsi conçu:

Si M. Vendale me demandait ou si M. Bintrey venait me rendre visite, dites que je suis allé à l'Hospice des Enfants Trouvés.

Ni les exhortations de Vendale, ni les conseils de Bintrey n'avaient pu changer les sentiments et la détermination de Wilding. Retrouver celui dont il avait usurpé le bien et la place était à présent l'unique intérêt de sa vie. La première chose à faire pour cela n'était-elle point de se rendre à l'Hospice? C'est là qu'il pouvait rencontrer la lumière, ou puiser du moins quelques renseignements.

L'aspect de cet édifice, qui naguère lui était agréable, avait changé pour lui comme le portrait placé dans son appartement et qui, jadis, lui avait été si cher. Le lien qui le rattachait autrefois à ces lieux qui avaient abrité sa misérable enfance et où le bonheur était venu le surprendre un jour, ce lien désormais était rompu. Son cœur se souleva au milieu d'un flot d'amertume, lorsque, à la porte du parloir, il exposa la nature de la démarche qu'il venait faire. Il attendit avec une grande anxiété le Trésorier qu'on était allé quérir et qu'on ne trouvait point. Enfin ce gentleman arriva. Wilding fit un terrible effort pour retrouver un peu de calme et parla.

Le Trésorier l'écoutait avec une grande attention. Mais son visage ne promettait rien de plus qu'un peu de complaisance et beaucoup de politesse.

– Nous sommes forcés d'être très circonspects, – répondit-il à Wilding, – et nous n'avons point l'habitude de répondre aux questions du genre de celles que vous me faites, quand elles nous sont adressées par des étrangers.

– Ne me considérez point comme un étranger, – répondit simplement Wilding, – j'ai fait partie de vos élèves; je suis un enfant trouvé.

Le Trésorier répondit avec une grande courtoisie que cette circonstance lui paraissait tout à fait particulière et qu'il aurait mauvaise grâce à rien refuser à un ancien pensionnaire de la maison; Toutefois il pressa Wilding de lui faire connaître les motifs qui le poussaient à tenter les recherches dont il parlait. Wilding lui raconta son histoire. Après quoi le Trésorier se leva, et le conduisant dans la salle où les registres de l'Institution étaient exposés:
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