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Private Letters of Edward Gibbon (1753-1794) Volume 2 (of 2)

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THE COALITION MINISTRY.

In my last, written like this in a very great hurry, I used (if I am not mistaken) an expression which at a distance might alarm you too much. The fatal Monday is past without any fatal consequences, yet no Administration is appointed; but as Pitt has formally resigned,[40 - Pitt, on March 31, resigned the office of Chancellor of the Exchequer. On April 2 the new administration was formed; the principal members were —The Great Seal was put in commission. The first seven formed the Cabinet.Lord Townshend said "he had always foreseen the Coalition Ministry could not last, for he was at Court when Mr. Fox kissed hands, and he observed George III. turn back his eyes and ears just like the horse at Astley's, when the tailor he had determined to throw was getting on him" (Correspondence of C. J. Fox, vol. ii. p. 28).] the K. will probably yield without expecting a second and more serious address on Thursday. – I rejoyce to hear that you have surmounted your complaint, and hope you will feel every day the genial influence of the spring.

    I am
    Ever yours,
    E. G.

459.

To his Stepmother

    May 5th, 1783.

Dear Madam,

My cousin Robert Darrel gave me great pleasure by the information that he thought you perfectly recovered from your late indisposition. I depend on his testimony, which removed all my doubts and suspicions of your giving too favourable an account of yourself. For my own part, after paying my annual tribute to the gout, I find myself in the same even course of health and spirits which I have enjoyed for many years. The business of the house of Commons has been postponed by waiting first for peace and afterwards for Government; the long hot days will be crowded, and we shall wrangle with a strong June sun shining through the windows to reproach our folly.[41 - The session closed July 16, 1783.] I have already made one short visit to my Cottage at Hampton Court; I propose every week to steal away like a Citizen from Saturday till Monday, and persuade myself that I shall be revived by such excursions. You express a kind indignation against the persons for whose sake I acted the devil upon two sticks. Notwithstanding their apparent neglect I have reason to think them well inclined towards me, and have even received some assurances, but as every thing that depends on ministers is precarious and uncertain, I would not raise too much either your hopes or my own. If any situation[42 - "Gibbon and I," writes Lord Sheffield to William Eden (Lord Auckland's Journal and Correspondence, vol. i. p. 53), "have been walking about the room and cannot find any employment we should like in the intended establishment. He agrees with me that the place of dancing-master might be one of the most eligible for him, but he rather inclines to be painter, in hopes of succeeding Ramsay."] permanent and proper could be obtained, incompatible with a seat in parliament, I should retire from that Assembly without the least reluctance.

    I am, Dear Madam,
    Ever yours,
    E. G.

460.

A M. Deyverdun, à Lausanne

    A Londres, ce 20 Mai, 1783.

*Que j'admire la douce et parfaite confiance de nos sentimens réciproques! Nous nous aimons dans l'éloignement et le silence, et il nous suffit à l'un et à l'autre, de savoir de tems en tems des nouvelles de la santé et du bonheur de son ami. Aujourd'hui j'ai besoin de vous écrire; je commence sans excuses et sans reproches, comme si nous allions reprendre la conversation familière du jour précédent. Si je proposois de faire un compte rendu de mes études, de mes occupations, de mes plaisirs, de mes nouvelles liaisons, de ma politique toujours muette, mais un peu plus rapprochée des grands événemens, je multiplierois mes in quarto, et je ne sais pas encore votre avis sur ceux que je vous ai déjà envoyés. Dans cette histoire moderne, il seroit toujours question de la décadence des empires; et autant que j'en puis juger sur mes réminiscences et sur le rapport de l'ami Bugnon, vous aimez aussi peu la puissance de l'Angleterre que celle des Romains. Notre chute, cependant, a été plus douce. Après une guerre sans succès, et une paix assez peu glorieuse, il nous reste de quoi vivre contens et heureux; et lorsque je me suis dépouillé du rôle de Membre du Parlement, pour redevenir homme, philosophe, et historien, nous pourrions bien nous trouver d'accord sur la plupart des scènes étonnantes qui viennent de se passer devant nos yeux, et qui fourniront une riche matière aux plus habiles de mes successeurs.

Bornons nous à cette heure à un objet moins illustre sans doute, mais plus intéressant pour tous les deux, et c'est beaucoup que le même objet puisse intéresser deux mortels qui ne se sont pas vûs, qui à peine se sont écrit depuis – oui, ma foi – depuis huit ans. Ma plume, très paresseuse au commencement, ou plutôt avant le commencement, marche assez vîte, lorsqu'elle s'est une fois mise en train; mais une raison qui m'empêcheroit de lui donner carrière, c'est l'espérance de pouvoir bientôt me servir avec vous d'un instrument encore plus commode, la langue. Que l'homme, l'homme anglois, l'homme Gibbon, est un sot animal! Je l'espère, je le désire, je le puis, mais je ne sais pas si [je] le veux, encore moins si j'exécuterai cette volonté.

Voici mon histoire, autant qu'elle pourra vous éclairer, qu'elle pourra m'éclairer moi-même, sur mes véritables intentions, qui me paroissent très obscures, et très équivoques; et vous aurez la bonté de m'apprendre quelle sera ma conduite future. Il vous souvient, Seigneur, que mon grandpère a fait sa fortune, que mon père l'a mangée avec un peu trop d'appétit, et que je jouis actuellement du fruit, ou plutôt du reste, de leurs travaux. Vous n'avez pas oublié que je suis entré au Parlement sans patriotisme, sans ambition, et que toutes mes vues se bornoient à la place commode et honnête d'un Lord of Trade. Cette place, je l'ai obtenue enfin; je l'ai possédée trois ans, depuis 1779 jusqu' à 1782, et le produit net, qui se montoit à sept cens cinquante livres sterling, augmentoit mon revenu au niveau de mes besoins et de mes désirs. Mais au printems de l'année précédente, l'orage a grondé sur nos têtes: Milord North a été renversé, votre serviteur chassé, et le Board même, dont j'étois membre, aboli et cassé pour toujours par la réformation de M. Burke, avec beaucoup d'autres places de l'Etat, et de la maison du Roi.

HIS VIEW OF ENGLISH POLITICS.

Pour mon malheur, je suis toujours resté Membre de la Chambre basse: à la fin du dernier Parlement (en 1780) M. Eliot à retiré sa nomination; mais la faveur de Milord North a facilité ma rentrée, et la reconnoissance m'imposoit le devoir de faire valoir, pour son service, les droits que je tenois en partie de lui. Cet hyver nous avons combattu sous les étendards réunis (vous savez notre histoire) de Milord North et de M. Fox; nous avons triomphé de Milord Shelburne et de la paix,* et mon ami (je n'aime pas à profaner ce nom) a remonté sur sa bête en qualité de secretaire d'Etat. C'est à présent qu'il peut bien me dire ç'etoit beaucoup pour moi, ce n'etoit rien pour nous, et malgré les assurances les plus fortes, j'ai trop de raison pour avoir de la foi. *Avec beaucoup d'esprit, et des qualités très respectables, notre homme* a la demarche lente et le cœur froid. Il *n'a plus ni le titre, ni le crédit de premier ministre; des collègues plus actifs lui enlèvent les morceaux les plus friands, qui sont aussitôt dévorés par la voracité de leurs créatures; nos malheurs et nos réformes ont diminué le nombre des graces; par orgueil ou par paresse, je solicite assez mal, et si je parviens enfin, ce sera peut-être à la veille d'une nouvelle révolution, qui me fera perdre dans un instant, ce qui m'aura coûté tant de soins et de recherches.

Si je ne consultois que mon cœur et ma raison, je romprois sur le champ cette indigne chaine de la dépendance; je quitterois le Parlement, Londres, l'Angleterre; je chercherois sous un ciel plus doux, dans un pays plus tranquille, le repos, la liberté, l'aisance, et une société éclairée, et aimable. En attendant la mort de ma belle-mere et de ma tante je coulerois quelques années de ma vie sans espérance, et sans crainte, j'acheverais mon histoire, et je ne rentrerois dans ma patrie qu'en homme libre, riche, et respectable par sa position, aussi bien que par son caractère. Mes amis, et surtout Milord Sheffield, (M. Holroyd) ne veulent pas me permettre d'être heureux suivant mon goût et mes lumières. Leur prudence exige que je fasse tous mes efforts, pour obtenir un emploi très sûr à la vérité, qui me donneroit mille guinées de rente, mais qui m'enleveroit cinq jours par semaine. Je me prête à leur zèle, et je leur ai promis de ne partir qu'en automne, après avoir consacré l'été à cette dernière tentative. Le succès, cependant, est très incertain, et je ne sais si je le désire de bonne foi.

Si je parviens à me voir exilé, mon choix ne sera pas douteux. Lausanne a eu mes prémices; elle me sera toujours chère par le doux souvenir de ma jeunesse. Au bout de trente ans, je me rappelle les polissons qui sont aujourd'hui juges, les petites filles de la société du Printems, qui sont devenues grand-mères. Votre pays est charmant, et, malgré le dégoût de Jean Jacques, les mœurs, et l'esprit de ses habitans, me paroissent très assortis aux bords du lac Léman. Mais un trésor que je ne trouverois qu'à Lausanne, c'est un ami qui me convient également par les sentimens et les idées, avec qui je n'ai jamais connu un instant d'ennui, de sécheresse, ou de réserve. Autrefois dans nos libres épanchemens, nous avons cent fois fait le projet de vivre ensemble, et cent fois nous avons épluché tous les détails du Roman, avec une chaleur qui nous étonnoit nous mêmes. A présent il demeure, ou plutôt vous demeurez, (car je me lasse de ce ton étudié,) dans une maison charmante et commode; je vois d'ici mon appartement, nos salles communes, notre table, et nos promenades; mais ce marriage ne vaut rien, s'il ne convient pas également aux deux époux, et je sens combien des circonstances locales, des goûts nouveaux, de nouvelles liaisons, peuvent s'opposer aux desseins, qui nous ont paru les plus agréables dans le lointain. Pour fixer mes idées, et pour nous épargner des regrets, il faut me dévoiler avec la franchise dont je vous ai donné l'exemple, le tableau extérieur et intérieur de George Deyverdun. Mon amour est trop délicat, pour supporter l'indifférence et les égards, et je rougirois d'un bonheur dont je serois redevable, non à l'inclination, mais à la fidélité de mon ami.

PROPOSES TO SETTLE ABROAD.

Pour m'armer contre les malheurs possibles, hélas! peut-être trop vraisemblables, j'ai essayé de me détacher de la pensée de ce projet favori, et de me représenter à Lausanne votre bon voisin, sans être précisément votre commensal. Si j'y étois réduit, je ne voudrois pas tenir maison, autant par raison d'économie, que pour éviter l'ennui de manger seul. D'un autre côté, une pension ouverte, fut-elle montée sur l'ancien pied de celle de Mesery, ne conviendroit plus à mon age, ni à mon caractère. Passerois-je ma vie au milieu d'une foule de jeunes Anglois échappés du collège, moi qui aimerois Lausanne cent fois davantage, si j'y pouvois être le seul de ma nation? Il me faudroit donc une maison commode et riante, un état au dessus de la bourgeoisie, un mari instruit, une femme qui ne ressembleroit pas à Madame Pavilliard, et l'assurance d'y être reçu comme le fils unique, ou plutôt comme le frère de la famille. Pour nous arranger sans gêne, je meublerai très volontiers un joli appartement sous le même toit, ou dans le voisinage, et puisque le ménage le plus foible laisse encore de l'étoffe pour une forte pension, je ne serois pas obligé de chicaner sur les conditions pécuniaires. Si je me vois déchu de cette dernière espérance, je renoncerois en soupirant à ma seconde patrie, pour chercher un nouvel asyle, non pas à Genève, triste séjour du travail et de la discorde, mais aux bords du lac de Neufchatel, parmi les bons Savoyards de Chamberry, ou sous le beau climat des Provinces Méridionales de la France. Je finis brusquement, parceque j'ai mille choses à vous dire. Je pense que nous nous ressemblons pour la correspondance. Pour le bavardage savant ou même amical, je suis de tous les hommes le plus paresseux, mais dès qu'il s'agit d'un objet réel, d'un service essentiel, le premier courier emporte toujours ma réponse. A la fin d'un mois, je commencerai à compter les semaines, les jours, les heures. Ne me les faites pas compter trop long tems. Vale.*

461.

M. Deyverdun à M. Gibbon

    Strasbourg, le 10 Juin, 1783.

*Je ne saurois vous exprimer, Monsieur et cher ami, la variété, et la vivacité, des sensations que m'a fait éprouver votre lettre. Tout cela a fini par un fond de plaisir et d'espérance qui resteront dans mon cœur, jusqu'à ce que vous les en chassiez.

Un rapport singulier de circonstances contribue à me faire espérer que nous sommes destinés à vivre quelque tems agréablement ensemble. Je ne suis pas dégoûté d'une ambition que je ne connus jamais; mais par d'autres circonstances, je me trouve dans la même situation d'embarras et d'incertitude où vous êtes aussi à cette époque. Il y a un an que votre lettre, mon cher ami, m'auroit fait plaisir sans doute, mais en ce moment, elle m'en fait bien davantage; elle vient en quelque façon à mon secours.

Depuis mon retour d'Italie, ne pouvant me déterminer à vendre ma maison, m'ennuyant d'y être seul (car je suis comme vous, Monsieur, et je déteste de manger sans compagnie) ne voulant pas louer à des étrangers, j'ai pris le parti de m'arranger assez joliment au premier étage, et de donner le second à une famille de mes amis, qui me nourrit, et que je loge. Cet arrangement a paru pendant longtems contribuer au bonheur des deux parties. Mais tout est transitoire sur cette terre. Ma maison sera vuide, selon toute apparence, sur la fin de l'été, et je me vois d'avance tout aussi embarrassé et incertain, que je l'étois il y a quelques années, ne sachant quelle nouvelle société choisir, et assez disposé à vendre enfin cette possession qui m'a causé bien des plaisirs et bien des peines. Ma maison[43 - Part of the grounds of M. Deyverdun's house at Lausanne, in which Gibbon lived from 1783 to 1793, is now occupied by the Hôtel Gibbon. Henry Mathews (Diary of an Invalid, p. 317) speaks of a visit to the house paid in June, 1818. "Paid a visit to the house in which Gibbon resided. Paced his terrace, and explored the summer-house, of which he speaks in relating, with so much interesting detail, the conclusion of his historical labours."] est donc à votre disposition pour cet automne, et vous y arriveriez comme un Dieu dans une machine qui finit l'embroglio. Voilà, quant à moi; parlons de vous maintenant avec la même sincérité.

Un mot de préambule. Quelque intéressé que je sois à votre résolution, convaincu qu'il faut aimer ses amis pour eux-mêmes, sentant d'ailleurs combien il seroit affreux pour moi de vous voir des regrets, je vous donne ici ma parole d'honneur, que mon intérêt n'influe en rien sur ce que je vais écrire, et que je ne dirai pas un mot que je ne vous disse, si l'hermite de la grotte étoit un autre que moi. Vos amis anglais vous aiment pour eux-mêmes; je ne veux moi que votre bonheur. Rappellez-vous, mon cher ami, que je vis avec peine votre entrée dans le Parlement, et je crois n'avoir été que trop bon prophète; je suis sûr que cette carrière vous a fait éprouver plus de privations que de jouissances, beaucoup plus de peines que de plaisirs; j'ai cru toujours, depuis que je vous ai connu, que vous étiez destiné à vivre heureux par les plaisirs du cabinet et de la société, que tout autre marché étoit un écart de la route du bonheur, et que ce n'étoit que les qualités réunies d'homme de lettres, et d'homme aimable de société, qui pouvoient vous procurer gloire, honneur, plaisirs, et une suite continuelle de jouissances. Au bout de quelques tours dans votre salle, vous sentirez parfaitement que j'avois bien vu, et que l'événement a justifié mes idées.

DEYVERDUN'S OFFER OF HIS HOUSE.

Lorsque j'ai appris que vous étiez Lord of Trade, j'en ai été faché; quand j'ai su que vous aviez perdu cette place, je m'en suis réjouis pour vous; quand on m'a annoncé que Milord North étoit remonté sur sa bête, j'ai cru vous voir très mal à votre aise, en croupe derrière lui, et je m'en suis affligé pour vous. Je suis donc charmé, mon cher ami, de vous savoir à pied, et je vous conseille très sincèrement de rester dans cette position, et bien loin de solliciter la place en question, de la refuser, si elle vous étoit offerte. Mille guinées vous dédommageront-elles de cinq jours pris de la semaine? Je suppose, ce que cependant j'ai peine à croire, que vous me disiez que oui: et la variété et l'inconstance continuelle de votre ministère, vous promettent-elles d'en jouir long tems constamment, et n'est-il pas plus désagréable, mon cher Monsieur, de n'avoir plus 1000 livres sterl. de rente, qu'il n'a été agréable d'en jouir? D'ailleurs ne pourrez-vous pas toujours rentrer dans la carrière, si l'ambition, ou l'envie de servir la patrie, vous reprennent; ne rentrerez-vous pas avec plus d'honneur, lorsque vos rentes étant augmentées naturellement, vous serez libre et indépendant?

En faisant cette retraite en Suisse, outre la beauté du pays, et les agrémens de la société, vous acquererez deux biens que vous avez perdus, la liberté et la richesse. Vous ne serez d'ailleurs point inutile; vos ouvrages continueront à nous éclairer, et indépendamment de vos talens, l'honnête homme, le galant homme, n'est jamais inutile.

Il me reste à vous présenter le tableau que vous trouveriez. Vous aimiez ma maison et mon jardin; c'est bien autre chose à présent. Au premier étage qui donne sur la descente d'Ouchy, je me suis arrangé un appartement qui me suffit, j'ai une chambre de domestique, deux sallons, et deux cabinets. J'ai au plein pied de la terrasse, deux autres sallons dont l'un sert en été de salle à manger, et l'autre de sallon de compagnie. J'ai fait un nouvel appartement de trois pièces dans le vuide entre la maison et la remise, en sorte que j'ai à vous offrir tout le grand appartement, qui consiste actuellement en onze pièces, tant grandes que petites, tournées au Levant et au Midi, meublées sans magnificence déplacée, mais avec une sorte d'élégance dont j'espère que vous seriez satisfait. La terrasse a peu changé; mais elle est terminée par un grand cabinet mieux proportionné que le précédent, garnie tout du long, de caisses d'orangers, &c. La treille, qui ne vous est pas indifférente, a embelli, prospéré, et règne presqu'entièrement jusqu'au bout; parvenu à ce bout, vous trouverez un petit chemin qui vous conduira à une chaumière placée dans un coin; et de ce coin, en suivant le long d'une autre route à l'anglaise, le mur d'un manège. Vous trouverez au bout, un châlet avec écurie, vacherie, petite porte, petit cabinet, petite bibliothèque, et une galerie de bois doré, d'où l'on voit tout ce qui sort et entre en ville par la porte du Chêne, et tout ce qui se passe dans ce Faubourg. J'ai acquis la vigne au-dessous du jardin; j'en ai arraché tout ce qui étoit devant la maison; j'en ai fait un tapis vert arrosé par l'eau du jet d'eau; et j'ai fait tout autour de ce petit parc, une promenade très variée par les différens points de vue et les objets même intérieurs, tantôt jardin potager, tantôt parterre, tantôt vigne, tantôt prés, puis châlet, chaumière, petite montagne; bref, les étrangers viennent le voir et l'admirent, et malgré la description pompeuse que je vous en fais, vous en serez content.

N. B. J'ai planté une quantité d'excellens arbres fruitiers.

Venons à moi; vous comprenez bien que j'ai vieilli, excepté pour la sensibilité; je suis à la mode, mes nerfs sont attaqués; je suis plus mélancolique, mais je n'ai pas plus d'humeur; vous ne souffrirez de mes maux que tout au plus négativement. Ensemble, et séparés par nos logemens, nous jouirons, vis-à-vis l'un de l'autre, de la plus grande liberté. Nous prendrons une gouvernante douce et entendue, plutôt par commodité que par nécessité; car je me chargerois sans crainte de la surintendance. J'ai fait un ménage de quatre, pendant quelque tems; j'ai fait le mien, et j'ai remarqué que cela marchoit tout seul, quand c'étoit une fois en train. Les petites gens qui n'ont que ce mérite, font grand bruit pour rien. Mon jardin nous fournira avec abondance de bons fruits et d'excellens légumes. Pour le reste de la table et de la dépense domestique, je ne demanderois pas mieux que de vous recevoir chez moi, comme vous m'avez reçu chez vous; mais nos situations sont différentes à cet égard; cependant si vous étiez plus ruiné, je vous l'offrirois sans doute, et je devrois le faire; mais avec les rentes que vous aviez, quand j'étois chez vous, en les supposant même diminuées, vous vivrez très agréablement à Lausanne. Enfin à cet égard nous nous arrangerons, comme il vous sera le plus agréable, et en proportion de nos revenus. Toujours serez vous ainsi, à ce que j'espère, plus décemment et plus comfortablement, que vous ne seriez par tout ailleurs au même prix.

SOCIETY AT LAUSANNE.

Quant à la société, quoique infiniment agréable, je commence ce chapitre par vous dire que j'éviterois de vous y inviter, si vous étiez entièrement désœuvré; les jours sont longs alors, et laissent bien du vuide; mais homme de lettres, comme vous êtes, je ne connois point de société qui vous convienne mieux. Nous aurons autour de nous un cercle, comme il seroit impossible d'en trouver ailleurs dans un aussi petit espace. Madame de Corcelles, Mademoiselle Sulens, et M. de Montolieu, (Madame est morte,) Messrs. Polier et leurs femmes, Madame de Severy, et M. et Madame de Nassau, Mademoiselle de Chandieu, Madame de St. Cierge, et M. avec leurs deux filles jolies et aimables, Mesdames de Crousaz, Polier, de Charrières, &c. font un fonds de bonne compagnie dont on ne se lasse point, et dont M. de Servan est si content qu'il regrette toujours d'être obligé de retourner dans ses terres, et ne respire que pour s'établir tout à fait à Lausanne. Il passa tout l'hyver de 1782 avec nous, et il fut, on ne peut plus, agréable. Vous trouverez les mœurs changées en bien, et plus conformes à nos ages, et à nos caractères; peu de grandes assemblées, de grands repas, mais beaucoup de petits soupers, de petites assemblées, où l'on fait ce qu'on veut, où l'on cause, lit, &c. et dont on écarte avec soin les facheux de toute espèce. Il y a le Dimanche une société, où tout ce qu'il y a d'un peu distingué en étrangères et étrangers, est invité. Cela fait des assemblées de 40 à 50 personnes, où l'on voit ce qu'on ne voit guères le reste de la semaine, et ces espèces de rout font quelquefois plaisir. Nous sommes fort dégoûtés des étrangers, surtout des jeunes gens, et nous les écartons avec soin de nos petits comités, à moins qu'ils n'ayent du mérite, ou quelques talens. A cet égard un de nos petits travers, c'est l'engouement; mais vous en profiterez, mon cher Monsieur, comme Edward Gibbon, et comme mon ami; vous serez d'abord l'homme à la mode, et je vois d'ici que vous soutiendrez fort bien ce rôle, sans vous en fâcher, dût on un peu vous surfaire. Je sens que tu me flattes, mais tu me fais plaisir, est peut-être le meilleur vers de Destouches.

Voilà donc l'hyver; l'étude le matin, quelques conversations, quand vous serez fatigué, avec quelque homme de lettres, ou amateur, ou du moins qui aura vu quelque chose; à l'heure qu'il vous plaira un dîner, point de fermier général, mais l'honnête épicurien, avec un ou deux amis quand vous voudrez: puis quelques visites, une soirée, souvent un souper. Quant à l'été, vu votre manière d'aimer la campagne, on diroit que ma remise a été faite pour vous; pendant que vous vous y promènerez en sénateur, je serai souvent en bon paysan Suisse, devant mon châlet, ou dans ma chaumière; puis nous nous rencontrerons tout à coup, et tâcherons de nous remettre au niveau l'un de l'autre. Nous fermerons nos portes à l'ordinaire, excepté aux étrangers qui passent leur chemin; mais quand nous voudrons, nous y aurons tous ceux que nous aimerons à y voir; car on ne demande pas mieux que d'y venir se réjouir. J'ai eu, un beau jour d'Avril ce printems, un déjeûner, qui m'a coûté quelques Louis, où il y avoit plus de 40 personnes, je ne sais combien de petites tables, une bonne musique au milieu du verger, et une quantité de jeunes et jolies personnes dansant des branles, et formant des chiffres en cadence; j'ai vu bien des fêtes, j'en ai peu vu de plus jolies. Quand mon parc vous ennuyera, nous aurons, ou nous louerons ensemble (et ce sera ainsi un plaisir peu cher) un cabriolet léger, avec deux chevaux gentils, et nous irons visiter nos amis dispersés dans les campagnes, qui nous recevront à bras ouverts. Vous en serez content de nos campagnes; toujours en proportion vous comprenez, et vous trouverez en général un heureux changement pour les agrémens de la société, et une sorte de recherche simple, mais élégante. Les bergères du Printems, excepté Madame de Vanberg, ne sont sans doute plus présentables, mais il y en a d'autres assez gentilles, et quoiqu'elles ne soyent pas en bien grand nombre, il y en aura toujours assez pour vous, mon cher Monsieur. Peu à peu mon imagination m'a emporte, et mon style s'égaye, comme cela nous arrivoit quelquefois dans nos châteaux en Espagne. Il est bien tems de finir cet article, résumons nous plus sérieusement.

Si vous exécutez le plan que vous avez imaginé, j'aimerois même à dire que vous embrassez, surtout d'après ce que vous marquez vous même, Si je ne consultois que mon cœur et ma raison, je romperois sur le champ cette indigne chaine, &c. Eh! que voulez-vous consulter, si ce n'est votre cœur et votre raison? Si, dis-je, vous exécutez ce plan, vous retrouverez une liberté et une indépendance, que vous n'auriez jamais dû perdre, et dont vous méritez de jouir, une aisance qui ne vous coûtera qu'un voyage de quelques jours, une tranquillité que vous ne pouvez avoir à Londres, et enfin un ami qui n'a peut-être pas été un jour sans penser à vous, et qui malgré ses défauts, ses foiblesses et son infériorité, est encore un des compagnons qui vous convient le mieux.

Il me reste à vous apprendre pourquoi je vous réponds si tard: vous savez déjà actuellement que ce n'est pas manque d'amitié et de zèle pour la chose; mais votre lettre m'a été renvoyée de Lausanne ici, à Strasbourg, et je n'ai passé qu'une poste sans y répondre, ce qui n'est pas trop, vous l'avouerez, pour un pareil bavardage. Je suis parti de Lausanne la veille de Pâques pour venir voir un M. Bourcard de Basle, fort de mes amis; il est ici auprès du Comte de Cagliostro, pour profiter de ses remèdes. Vous aurez entendu parler peut-être de cet homme extraordinaire à tous égards. Comme j'ai été assez malade tout l'hyver, je profite aussi de ses remèdes; mais comme le tems du séjour du Comte ici n'est rien moins que sûr, le mieux sera que vous m'écriviez à M. D. chez M. Bourcard du Kirshgarten, à Basle.

Vous comprenez combien à tous égards, il est nécessaire m'écrire sans perte de tems, dès que vous aurez pris une résolution. Adieu, mon cher ami.*

462.

A M. Deyverdun

HIS GRATITUDE TO DEYVERDUN.

*Je reçois votre lettre du 10 Juin, le 21 de ce mois. Aujourd'hui Mardi le 24, je mets la main à la plume (comme dit M. Fréron) pour y répondre, quoique ma missive ne puisse partir par arrangement des postes, que Vendredi prochain, 27 du courant. O merveille de la grace efficace! Elle n'agit pas moins puissamment sur vous, et moyennant le secours toujours prêt, et toujours prompt de nos couriers, un mois nous suffit pour la demande et la réponse. Je remercie mille fois le génie de l'amitié, qui m'a poussé, après mille efforts inutiles, à vous écrire enfin au moment le plus critique et le plus favorable. Jamais démarche n'a répondu si parfaitement à tous mes vœux et à toutes mes espérances. Je comptois sans doute sur la durée et la vérité de vos sentimens; mais j'ignorois (telle est la foiblesse humaine) jusqu'à quel point ils avoient pu être attiédis par le tems et l'éloignement; et je savois encore moins l'état actuel de votre santé, de votre fortune et de vos liaisons, qui auroient pu opposer tant d'obstacles à notre réunion.

Vous m'écrivez, vous m'aimez toujours; vous désirez avec zèle, avec ardeur, de réaliser nos anciens projets; vous le pouvez, vous le voulez; vous m'offrez dès l'automne votre maison, et quelle terrasse! votre société, et quelle société! L'arrangement nous convient à tous les deux; je retrouve à la fois le compagnon de ma jeunesse, un sage conseiller, et un peintre qui fait représenter et exagérer même les objets les plus rians. Ces exagérations me font pour le moins autant de plaisir que la simple vérité. Si votre portrait étoit tout à fait ressemblant, ces agrémens n'existeroient que hors de nous mêmes, et j'aime encore mieux les retrouver dans la vivacité de votre cœur et de votre imagination. Ce n'est pas que je ne reconnoisse un grand fond de vérité dans le tableau de Lausanne; je connois le lieu de la scène, je me transporte en idée sur notre terrasse, je vois ces côteaux, ce lac, ces montagnes, ouvrage favoris de la nature, et je conçois sans peine les embellissemens que votre goût s'est plu y ajouter. Je me rappelle depuis vingt ou trente ans les mœurs, l'esprit, l'aisance de la société, et je comprends que ce véritable ton de la bonne compagnie se perpétue, et s'épure de père en fils, ou plutôt de mère en fille; car il m'a toujours paru qu'à Lausanne, aussi bien qu'en France, les femmes sont très supérieures aux hommes. Dans un pareil séjour, je craindrois la dissipation bien plus que l'ennui, et le tourbillon de Lausanne étonneroit un philosophe accoutumé depuis tant d'années à la tranquillité de Londres. Vous êtes trop instruit pour regarder ce propos, comme une mauvaise plaisanterie; c'est dans les détroits qu'on est entrainé par la rapidité des courans: il n'y en a point en pleine mer. Dès qu'on ne recherche plus les plaisirs bruyans, et qu'on s'affranchit volontiers des devoirs pénibles, la liberté d'un simple particulier se fortifie par l'immensité de la ville. Quant à moi, l'application à mon grand ouvrage, l'habitude, et la récompense du travail, m'ont rendu plus studieux, plus sédentaire, plus ami de la retraite. La Chambre des Communes et les grands dîners exigent beaucoup de tems; et la tempérance d'un repas anglois vous permet de goûter de cinq ou six vins différens, et vous ordonne de boire une bouteille de claret après le dessert. Mais enfin je ne soupe jamais, je me couche de fort bonne heure, je reçois peu de visites, les matinées sont longues, les étés sont libres, et dès que je ferme ma porte, je suis oublié du monde entier. Dans une société plus bornée et plus amicale, les démarches sont publiques, les droits sont réciproques, l'on dîne de bonne heure, on se goûte trop pour ne pas passer l'après-midi ensemble; on soupe, on veille, et les plaisirs de la soirée ne laissent pas de déranger le repos de la nuit, et le travail du lendemain.

HIS HESITATION TO ACCEPT.

Quel est cependant le résultat de ces plaintes? c'est seulement que la mariée est trop belle, et que j'ose me servir de l'excuse honnête de la santé et du privilège d'un homme de lettres; il ne tiendra qu'à moi de modérer un peu l'excès de mes jouissances. Pour cet engouement que vous m'annoncez, et qui a toujours été le défaut des peuples les plus spirituels, je l'ai déjà éprouvé sur un plus grand théâtre. Il y a six ans que l'ami de Madame Necker fut reçu à Paris, comme celui de George Deyverdun pourroit l'être à Lausanne. Je ne connois rien de plus flatteur que cet accueil favorable d'un public poli et éclairé. Mais cette faveur, si douce pour l'étranger, n'est-elle pas un peu dangereuse pour l'habitant exposé à voir flétrir ses lauriers, par la faute ou par l'inconstance de ses juges? Non; on se soutient toujours, peut être pas précisément au même point d'élévation. A l'abri de trois gros volumes in-quarto en langue étrangère, encore ce qui n'est pas un petit avantage, je conserverai toujours la réputation littéraire, et cette réputation donnera du relief aux qualités sociales, si l'on trouve l'historien sans travers, sans affectation et sans prétentions.

Je serai donc charmé et content de votre société, et j'aurois pu dire en deux mots, ce qui j'ai bavardé en deux pages; mais il y a tant de plaisir à bavarder avec un ami! car enfin je possède à Lausanne un véritable ami; et les simples connoissances remplaceront sans beaucoup de peine, tout ce qui s'appelle liaison, et même amitié, dans ce vaste désert de Londres. Mais au moment où j'écris, je vois de tous côtés une foule d'objets dont la perte sera bien plus difficile à réparer. Vous connoissiez ma bibliothèque; mais je suis en état de vous rendre le propos de votre maison c'est bien autre chose à cetteheure; formée peu à peu, mais avec beaucoup de soin et de dépense, elle peut se nommer aujourd'hui un beau cabinet de particulier. Non content de remplir à rangs redoublés la meilleure pièce qui lui étoit destinée, elle s'est débordée dans la chambre sur la rue, dans votre ancienne chambre à coucher, dans la mienne, dans tous les recoins de la maison de Bentinck-street, et jusques dans une chaumière que je me suis donnée à Hampton Court.

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