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Bel-Ami / Милый друг

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1885
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– Tiens! tu as l'air solide, pourtant.

Et Forestier, prenant le bras de son ancien camarade, lui parla de sa maladie, lui raconta les consultations, les opinions et les conseils des mеdecins, la difficultе de suivre leurs avis dans sa position. On lui ordonnait de passer l'hiver dans le Midi; mais le pouvait-il? Il еtait mariе et journaliste, dans une belle situation.

– Je dirige la politique ? la Vie Fran?aise. Je fais le Sеnat au Salut, et, de temps en temps, des chroniques littеraires pour la Plan?te. Voil?, j'ai fait mon chemin.

Duroy, surpris, le regardait. Il еtait bien changе, bien m?ri. Il avait maintenant une allure, une tenue, un costume d'homme posе, s?r de lui, et un ventre d'homme qui d?ne bien. Autrefois il еtait maigre, mince et souple, еtourdi, casseur d'assiettes, tapageur et toujours en train. En trois ans Paris en avait fait quelqu'un de tout autre, de gros et sеrieux, avec quelques cheveux blancs sur les tempes, bien qu'il n'e?t pas plus de vingt-sept ans.

Forestier demanda:

– O? vas-tu?

Duroy rеpondit:

– Nulle part, je fais un tour avant de rentrer.

– Eh bien, veux-tu m'accompagner ? la Vie Fran?aise, o? j'ai des еpreuves ? corriger; puis nous irons prendre un bock ensemble?

– Je te suis.

Et ils se mirent ? marcher en se tenant par le bras, avec cette familiaritе facile qui subsiste entre compagnons d'еcole et entre camarades de rеgiment.

– Qu'est-ce que tu fais ? Paris? dit Forestier.

Duroy haussa les еpaules:

– Je cr?ve de faim, tout simplement. Une fois mon temps fini, j'ai voulu venir ici pour… pour faire fortune ou plut?t pour vivre ? Paris; et voil? six mois que je suis employе aux bureaux du chemin de fer du Nord, ? quinze cents francs par an, rien de plus.

Forestier murmura:

– Bigre, ?a n'est pas gras.

– Je te crois. Mais comment veux-tu que je m'en tire? Je suis seul, je ne connais personne, je ne peux me recommander de personne. Ce n'est pas la bonne volontе qui me manque, mais les moyens.

Son camarade le regarda des pieds ? la t?te, en homme pratique, qui juge un sujet, puis il pronon?a d'un ton convaincu:

– Vois-tu, mon petit, tout dеpend de l'aplomb, ici. Un homme un peu malin devient plus facilement ministre que chef de bureau. Il faut s'imposer et non pas demander. Mais comment diable n'as-tu pas trouvе mieux qu'une place d'employе au Nord?

Duroy reprit:

– J'ai cherchе partout, et je n'ai rien dеcouvert. Mais j'ai quelque chose en vue en ce moment, on m'offre d'entrer comme еcuyer au man?ge Pellerin. L?, j'aurai, au bas mot, trois mille francs.

Forestier s'arr?ta net:

– Ne fais pas ?a, c'est stupide, quand tu devrais gagner dix mille francs. Tu te fermes l'avenir du coup. Dans ton bureau, au moins tu es cachе, personne ne te conna?t, tu peux en sortir si tu es fort, et faire ton chemin. Mais une fois еcuyer, c'est fini. C'est comme si tu еtais ma?tre d'h?tel dans une maison o? Tout-Paris va d?ner. Quand tu auras donnе des le?ons d'еquitation aux hommes du monde ou ? leurs fils, ils ne pourront plus s'accoutumer ? te considеrer comme leur еgal.

Il se tut, rеflеchit quelques secondes, puis demanda:

– Es-tu bachelier?

– Non. J'ai еchouе deux fois.

– ?a ne fait rien, du moment que tu as poussе tes еtudes jusqu'au bout. Si on parle de Cicеron ou de Tib?re, tu sais ? peu pr?s ce que c'est?

– Oui, ? peu pr?s.

– Bon, personne n'en sait davantage, ? l'exception d'une vingtaine d'imbеciles qui ne sont pas fichus de se tirer d'affaire. ?a n'est pas difficile de passer pour fort, va; le tout est de ne pas se faire pincer en flagrant dеlit d'ignorance. On manCuvre, on esquive la difficultе, on tourne l'obstacle, et on colle les autres au moyen d'un dictionnaire. Tous les hommes sont b?tes comme des oies et ignorants comme des carpes.

Il parlait en gaillard tranquille qui conna?t la vie, et il souriait en regardant passer la foule. Mais tout d'un coup il se mit ? tousser, et s'arr?ta pour laisser finir la quinte, puis, d'un ton dеcouragе:

– Est-ce pas assommant de ne pouvoir se dеbarrasser de cette bronchite? Et nous sommes en plein еtе. Oh! cet hiver, j'irai me guеrir ? Menton. Tant pis, ma foi, la santе avant tout.

Ils arriv?rent au boulevard Poissonni?re, devant une grande porte vitrеe, derri?re laquelle un journal ouvert еtait collе sur les deux faces. Trois personnes arr?tеes le lisaient.

Au-dessus de la porte s'еtalait, comme un appel, en grandes lettres de feu dessinеes par des flammes de gaz: La Vie Fran?aise. Et les promeneurs passant brusquement dans la clartе que jetaient ces trois mots еclatants apparaissaient tout ? coup en pleine lumi?re, visibles, clairs et nets comme au milieu du jour, puis rentraient aussit?t dans l'ombre.

Forestier poussa cette porte:

– Entre, dit-il.

Duroy entra, monta un escalier luxueux et sale que toute la rue voyait, parvint dans une antichambre, dont les deux gar?ons de bureau salu?rent son camarade, puis s'arr?ta dans une sorte de salon d'attente, poussiеreux et fripе, tendu de faux velours d'un vert pisseux, criblе de taches et rongе par endroits, comme si des souris l'eussent grignotе.

– Assieds-toi, dit Forestier, je reviens dans cinq minutes.

Et il disparut par une des trois sorties qui donnaient dans ce cabinet.

Une odeur еtrange, particuli?re, inexprimable, l'odeur des salles de rеdaction, flottait dans ce lieu. Duroy demeurait immobile, un peu intimidе, surpris surtout. De temps en temps des hommes passaient devant lui, en courant, entrеs par une porte et partis par l'autre avant qu'il e?t le temps de les regarder.

C'еtaient tant?t des jeunes gens, tr?s jeunes, l'air affairе, et tenant ? la main une feuille de papier qui palpitait au vent de leur course; tant?t des ouvriers compositeurs, dont la blouse de toile tachеe d'encre laissait voir un col de chemise bien blanc et un pantalon de drap pareil ? celui des gens du monde; et ils portaient avec prеcaution des bandes de papier imprimе, des еpreuves fra?ches, tout humides. Quelquefois un petit monsieur entrait, v?tu avec une еlеgance trop apparente, la taille trop serrеe dans la redingote, la jambe trop moulеe sous l'еtoffe, le pied еtreint dans un soulier trop pointu, quelque reporter mondain apportant les еchos de la soirеe.

D'autres encore arrivaient, graves, importants, coiffеs de hauts chapeaux ? bords plats, comme si cette forme les e?t distinguеs du reste des hommes.

Forestier reparut tenant par le bras un grand gar?on maigre, de trente ? quarante ans, en habit noir et en cravate blanche, tr?s brun, la moustache roulеe en pointes aigu?s, et qui avait l'air insolent et content de lui.

Forestier lui dit:

– Adieu, cher ma?tre.

L'autre lui serra la main:

– Au revoir, mon cher.

Et il descendit l'escalier en sifflotant, la canne sous le bras.

Duroy demanda:

– Qui est-ce?

– C'est Jacques Rival, tu sais, le fameux chroniqueur, le duelliste. Il vient de corriger ses еpreuves. Garin, Montel et lui sont les trois premiers chroniqueurs d'esprit et d'actualitе que nous ayons ? Paris. Il gagne ici trente mille francs par an pour deux articles par semaine.

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