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Bel-Ami / Милый друг

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Certes il irait sur le terrain puisqu'il voulait y aller. Mais s'il tremblait? Mais s'il perdait connaissance? Et il songea ? sa situation, ? sa rеputation, ? son avenir.

Et un singulier besoin le prit tout ? coup de se relever pour se regarder dans sa glace. Il ralluma sa bougie. Quand il aper?ut son visage reflеtе dans le verre poli, il se reconnut ? peine, et il lui sembla qu'il ne s'еtait jamais vu. Ses yeux lui parurent еnormes; et il еtait p?le, certes, il еtait p?le, tr?s p?le.

Tout d'un coup, cette pensеe entra en lui ? la fa?on d'une balle: «Demain, ? cette heure-ci, je serai peut-?tre mort.» Et son cCur se remit ? battre furieusement.

Il se retourna vers sa couche et il se vit distinctement еtendu sur le dos dans ces m?mes draps qu'il venait de quitter. Il avait ce visage creux qu'ont les morts et cette blancheur des mains qui ne remueront plus.

Alors il eut peur de son lit, et afin de ne plus le voir il ouvrit la fen?tre pour regarder dehors.

Un froid glacial lui mordit la chair de la t?te aux pieds, et il se recula, haletant.

La pensеe lui vint de faire du feu. Il l'attisa lentement, sans se retourner. Ses mains tremblaient un peu d'un frеmissement nerveux quand elles touchaient les objets. Sa t?te s'еgarait, ses pensеes tournoyantes, hachеes, devenaient fuyantes, douloureuses; une ivresse envahissait son esprit comme s'il e?t bu.

Et sans cesse il se demandait: «Que vais-je faire? que vais-je devenir?»

Il se remit ? marcher, rеpеtant, d'une fa?on continue, machinale: «Il faut que je sois еnergique, tr?s еnergique.»

Puis il se dit: «Je vais еcrire ? mes parents, en cas d'accident.»

Il s'assit de nouveau, prit un cahier de papier ? lettres, tra?a: «Mon cher papa, ma ch?re maman…»

Puis il jugea ces termes trop familiers dans une circonstance aussi tragique. Il dеchira la premi?re feuille et recommen?a: «Mon cher p?re, ma ch?re m?re; je vais me battre au point du jour, et comme il peut arriver que…»

Il n'osa pas еcrire le reste et se releva d'une secousse.

Cette pensеe l'еcrasait maintenant. «Il allait se battre en duel. Il ne pouvait plus еviter cela. Que se passait-il donc en lui? Il voulait se battre; il avait cette intention et cette rеsolution fermement arr?tеes; et il lui semblait, malgrе tout l'effort de sa volontе, qu'il ne pourrait m?me pas conserver la force nеcessaire pour aller jusqu'au lieu de la rencontre.»

De temps en temps ses dents s'entrechoquaient dans sa bouche avec un petit bruit sec; et il se demandait: «Mon adversaire s'est-il dеj? battu? a-t-il frеquentе les tirs? est-il connu? est-il classе?» Il n'avait jamais entendu prononcer ce nom. Et cependant si cet homme n'еtait pas un tireur au pistolet remarquable, il n'aurait point acceptе ainsi, sans hеsitation, sans discussion, cette arme dangereuse.

Alors Duroy se figurait leur rencontre, son attitude ? lui et la tenue de son ennemi. Il se fatiguait la pensеe ? imaginer les moindres dеtails du combat; et tout ? coup il voyait en face de lui ce petit trou noir et profond du canon dont allait sortir une balle.

Et il fut pris brusquement d'une crise de dеsespoir еpouvantable. Tout son corps vibrait, parcouru de tressaillements saccadеs. Il serrait les dents pour ne pas crier, avec un besoin fou de se rouler par terre, de dеchirer quelque chose, de mordre. Mais il aper?ut un verre sur sa cheminеe et il se rappela qu'il possеdait dans son armoire un litre d'eau-de-vie presque plein; car il avait conservе l'habitude militaire de tuer le ver chaque matin.

Il saisit la bouteille et but, ? m?me le goulot, ? longues gorgеes, avec aviditе. Et il la reposa seulement lorsque le souffle lui manqua. Elle еtait vidеe d'un tiers.

Une chaleur pareille ? une flamme lui br?la bient?t l'estomac, se rеpandit dans ses membres, raffermit son ?me en l'еtourdissant.

Il se dit: «Je tiens le moyen.» Et comme il se sentait maintenant la peau br?lante il rouvrit la fen?tre.

Le jour naissait, calme et glacial. L?-haut, les еtoiles semblaient mourir au fond du firmament еclairci, et dans la tranchеe profonde du chemin de fer les signaux verts, rouges et blancs p?lissaient.

Les premi?res locomotives sortaient du garage et s'en venaient en sifflant chercher les premiers trains. D'autres, dans le lointain, jetaient des appels aigus et rеpеtеs, leurs cris de rеveil, comme font les coqs dans les champs.

Duroy pensait: «Je ne verrai peut-?tre plus tout ?a.» Mais comme il sentit qu'il allait de nouveau s'attendrir sur lui-m?me, il rеagit violemment: «Allons, il ne faut songer ? rien jusqu'au moment de la rencontre, c'est le seul moyen d'?tre cr?ne.»

Et il se mit ? sa toilette. Il eut encore, en se rasant, une seconde de dеfaillance en songeant que c'еtait peut-?tre la derni?re fois qu'il regardait son visage.

Mais il but une nouvelle gorgеe d'eau-de-vie, et acheva de s'habiller.

L'heure qui suivit fut difficile ? passer. Il marchait de long en large en s'effor?ant en effet d'immobiliser son ?me. Lorsqu'il entendit frapper ? sa porte, il faillit s'abattre sur le dos, tant la commotion fut violente. C'еtaient ses tеmoins. Dеj?!

Ils еtaient enveloppеs de fourrures. Rival dеclara, apr?s avoir serrе la main de son client:

– Il fait un froid de Sibеrie.

Puis il demanda:

– ?a va bien?

– Oui, tr?s bien.

– On est calme?

– Tr?s calme.

– Allons, ?a ira. Avez-vous bu et mangе quelque chose?

– Oui, je n'ai besoin de rien.

Boisrenard, pour la circonstance, portait une dеcoration еtrang?re, verte et jaune, que Duroy ne lui avait jamais vue.

Ils descendirent. Un monsieur les attendait dans le landau. Rival nomma:

– Le docteur Le Brument.

Duroy lui serra la main en balbutiant:

– Je vous remercie.

Puis il voulut prendre place sur la banquette du devant et il s'assit sur quelque chose de dur qui le fit relever comme si un ressort l'e?t redressе. C'еtait la bo?te aux pistolets.

Rival rеpеtait:

– Non! Au fond le combattant et le mеdecin, au fond!

Duroy finit par comprendre et il s'affaissa ? c?tе du docteur.

Les deux tеmoins mont?rent ? leur tour et le cocher partit. Il savait o? on devait aller.

Mais la bo?te aux pistolets g?nait tout le monde, surtout Duroy, qui e?t prеfеrе ne pas la voir. On essaya de la placer derri?re les dos, elle cassait les reins; puis on la mit debout entre Rival et Boisrenard, elle tombait tout le temps. On finit par la glisser sous les pieds.

La conversation languissait, bien que le mеdecin racont?t des anecdotes. Rival seul lui rеpondait. Duroy e?t voulu prouver de la prеsence d'esprit, mais il avait peur de perdre le fil de ses idеes, de montrer le trouble de son ?me; et il еtait hantе par la crainte torturante de se mettre ? trembler.

La voiture fut bient?t en pleine campagne. Il еtait neuf heures environ. C'еtait une de ces rudes matinеes d'hiver o? toute la nature est luisante, cassante et dure comme du cristal. Les arbres, v?tus de givre, semblent avoir suе de la glace; la terre sonne sous les pas; l'air sec porte au loin les moindres bruits: le ciel bleu para?t brillant ? la fa?on des miroirs, et le soleil passe dans l'espace, еclatant et froid lui-m?me, jetant sur la crеation gelеe des rayons qui n'еchauffent rien.

Rival disait ? Duroy:

– J'ai pris les pistolets chez Gastine Renette. Il les a chargеs lui-m?me. La bo?te est cachetеe. On les tirera au sort, d'ailleurs, avec ceux de notre adversaire.

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