– Oui, vociféra-t-elle, et votre femme est une esclave! Ne rêve-t-elle jamais de liberté? Ne pensera-t-elle donc jamais à secouer le joug de la tyrannie? à agir librement, à voter…? Comment se fait-il que cette idée ne lui vienne pas à l'esprit ?
– C'est tout bonnement, répondis-je un peu agacé, parce que ma femme est une personne intelligente et pleine de bon sens.
– Comment? comment? hurla mon interlocutrice, en brandissant toujours son ombrelle; à quel prix, d'après vous, une femme doit-elle acheter sa liberté ?
– Je ne m'en doute pas, répondis-je; tout ce que je sais, c'est que pour entrer sous ma tente, il faut payer quinze cents par personne.
– Mais les membres de notre association ne peuvent-ils pas entrer sans payer? demanda-t-elle.
– Non, certes. Pas que je sache.
– Brute, brute que vous êtes! hurla-t-elle en éclatant en sanglots.
– Ne me laisserez-vous pas pénétrer? demanda une autre de ces excentriques en me prenant la main doucement et avec câlinerie: « Oh! laissez-moi entrer! Mon amie, voyez-vous, n'est qu'une enfant terrible. »
– Qu'elle soit ce qu'elle voudra, répondis-je, furieux de voir se prolonger cette facétie, je m'en fiche! Là-dessus elles reculèrent toutes et me traitèrent d'« animal » toutes en chœur.
– Mes amies, dis-je, avant votre départ, je voudrais vous dire quelques mots bien sentis: écoutez-moi bien: La femme est une des plus belles institutions de ce bas monde; nous pouvons nous en glorifier. Nul ne peut se passer de la femme. S'il n'y avait pas de femmes sur terre, je ne serais pas ici à l'heure actuelle. La femme est précieuse dans la maladie; précieuse dans l'adversité comme dans le bonheur! O femme! m'écriai-je sous l'effluve d'un souffle poétique, tu es un ange quand tu ne cherches pas à sortir de tes attributions; mais quand tu prétends intervertir les rôles et porter la culotte (ceci soit dit au figuré); lorsque tu désertes le foyer conjugal et que, la tête farcie des théories féministes, tu t'élances comme une lionne en courroux, en quête d'une proie à dévorer; lorsque, dis-je, tu veux te substituer à l'homme, tu deviens un être infernal et néfaste !
– Mes amies! continuai-je en les voyant partir indignées, n'oubliez pas ce que Arthémus Ward vous dit !