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Le Collier de la Reine, Tome I

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2017
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– Les autres valets de l'hôtel?

– Valets de louage que nos associés remplaceront demain.

– Que dit la cuisine? que dit l'office?

– Morts! morts! L'ancien ambassadeur ne paraissait jamais à l'hôtel. Il avait sa maison en ville.

– Que dit la caisse?

– Pour la caisse, il faut consulter le chancelier: c'est délicat.

– Je m'en charge, dit Beausire: nous sommes déjà les meilleurs amis du monde.

– Chut! le voici.

En effet, Ducorneau revenait essoufflé. Il avait prévenu le traiteur de la rue des Bons-Enfants, pris dans son cabinet six bouteilles d'une mine respectable, et sa figure réjouie annonçait toutes les bonnes dispositions que ces soleils, la nature et la diplomatie, savent combiner pour dorer ce que les cyniques appellent la façade humaine.

– Votre Excellence, dit-il, ne descendra pas dans la salle à manger?

– Non pas, non pas, nous mangerons dans la chambre, entre nous, près du feu.

– Monseigneur me ravit de joie. Voici le vin.

– Des topazes! dit Beausire en élevant un des flacons à la hauteur d'une bougie.

– Asseyez-vous, monsieur le chancelier, pendant que mon valet de chambre dressera le couvert.

Ducorneau s'assit.

– Quel jour sont arrivées les dernières dépêches? dit l'ambassadeur.

– La veille du départ de votre… du prédécesseur de Votre Excellence.

– Bien. La légation est en bon état?

– Oh! oui, monseigneur.

– Pas de mauvaises affaires d'argent?

– Pas que je sache.

– Pas de dettes… Oh! dites… S'il y en avait, nous commencerions par payer. Mon prédécesseur est un galant gentilhomme pour qui je me porte garant solidaire.

– Dieu merci! monseigneur n'en aura pas besoin; les crédits ont été ordonnancés il y a trois semaines, et le lendemain même du départ de l'ex-ambassadeur, cent mille livres arrivaient ici.

– Cent mille livres! s'écrièrent à la fois Beausire et don Manoël, effarés de joie.

– En or, dit le chancelier.

– En or, répétèrent l'ambassadeur, le secrétaire, et jusqu'au valet de chambre.

– De sorte, dit Beausire, en avalant son émotion, que la caisse renferme…

– Cent mille trois cent vingt-huit livres, monsieur le secrétaire.

– C'est peu, dit froidement don Manoël; mais Sa Majesté heureusement a mis des fonds à notre disposition. Je vous l'avais bien dit, mon cher, ajouta t-il en s'adressant à Beausire, que nous manquerions à Paris.

– Hormis ce point que Votre Excellence avait pris ses précautions, répliqua respectueusement Beausire.

À partir de cette communication importante du chancelier, l'hilarité de l'ambassade ne fit que s'accroître.

Un bon souper, composé d'un saumon, d'écrevisses énormes, de viandes noires et de crèmes, n'augmenta pas médiocrement cette verve des seigneurs portugais.

Ducorneau, mis à l'aise, mangea comme dix grands d'Espagne, et montra à ses supérieurs comme quoi un Parisien de la rue Saint-Honoré traitait les vins de Porto et de Xérès en vins de Brie et de Tonnerre.

M. Ducorneau bénissait encore le Ciel de lui avoir envoyé un ambassadeur qui préférait la langue française à la langue portugaise, et les vins portugais aux vins de France; il nageait dans cette délicieuse béatitude que fait au cerveau l'estomac satisfait et reconnaissant, lorsque M. de Souza l'interpellant lui demanda de s'aller coucher.

Ducorneau se leva, et dans une révérence épineuse qui accrocha autant de meubles qu'une branche d'églantier accroche de feuilles dans un taillis, le chancelier gagna la porte de la rue.

Beausire et don Manoël n'avaient pas assez fêté le vin de l'ambassade pour succomber sur-le-champ au sommeil.

D'ailleurs, il fallait que le valet de chambre soupât à son tour après ses maîtres, opération que le commandeur accomplit minutieusement, d'après les précédents tracés par M. l'ambassadeur et son secrétaire.

Tout le plan du lendemain se trouva dressé. Les trois associés poussèrent une reconnaissance dans l'hôtel, après s'être assurés que le suisse dormait.

Chapitre XXVIII

MM. Bœhmer et Bossange

Le lendemain, grâce à l'activité de Ducorneau à jeun, l'ambassade était sortie de sa léthargie. Bureaux, cartons, écritoire, air d'apparat, chevaux piaffant dans la cour, indiquaient la vie là où la veille encore on sentait l'atonie et la mort.

Le bruit se répandit vite, dans le quartier, qu'un grand personnage, chargé d'affaires, était arrivé de Portugal pendant la nuit.

Ce bruit, qui devait donner du crédit à nos trois fripons, était pour eux une source de frayeurs toujours renaissantes.

En effet, la police de M. de Crosne et celle de M. de Breteuil avaient de larges oreilles qu'elles se garderaient bien de clore en pareille occurrence; elles avaient des yeux d'Argus que certainement elles ne fermeraient pas lorsqu'il s'agirait de MM. les diplomates du Portugal.

Mais don Manoël fit observer à Beausire qu'avec de l'audace on empêcherait les recherches de la police d'être soupçons avant huit jours; les soupçons d'être certitudes avant quinze jours; que, par conséquent, avant dix jours, moyen terme, rien ne gênerait les allures de l'association, laquelle association, pour bien agir, devait avoir terminé ses opérations avant six jours.

L'aurore venait de poindre quand deux chaises de louage amenèrent dans l'hôtel la cargaison des neuf drôles destinés à composer le personnel de l'ambassade.

Ils furent installés bien vite, ou, pour mieux dire, couchés par Beausire. On en mit un à la caisse, l'autre aux archives, un troisième remplaça le suisse, auquel Ducorneau lui-même donna son congé, sous prétexte qu'il ne savait pas le portugais. L'hôtel se trouva donc peuplé par cette garnison, qui devait en défendre les abords à tout profane.

La police est profane au plus haut degré pour ceux qui ont des secrets politiques ou autres.

Vers midi, don Manoël dit Souza, s'étant habillé galamment, monta dans un carrosse fort propre que Beausire avait loué cinq cents livres par mois, en payant quinze jours d'avance.

Il partit pour la maison de MM. Bœhmer et Bossange, en compagnie de son secrétaire et de son valet de chambre.

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