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Le Collier de la Reine, Tome I

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2017
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Philippe, un peu triste, un peu las, presque effrayé lui-même de ce qui venait de se passer, était resté immobile à sa place, suivant des yeux le traîneau de la reine qui s'éloignait, lorsqu'il sentit quelque chose qui lui effleurait les flancs.

Il se retourna et reconnut son père.

Le petit vieillard, tout ratatiné comme un homme d'Hoffmann, tout enveloppé de fourrures comme un Samoyède, avait heurté son fils avec le coude pour ne pas sortir ses mains du manchon qu'il portait à son col.

Son œil, dilaté par le froid ou par la joie, parut flamboyant à Philippe.

– Vous ne m'embrassez pas, mon fils? dit-il.

Et il prononça ces paroles du ton que le père de l'athlète grec dut prendre pour remercier son fils de la victoire remportée dans le cirque.

– Mon cher père, de tout mon cœur, répliqua Philippe.

Mais on pouvait comprendre qu'il n'y avait aucune harmonie entre l'accent des paroles et leur signification.

– Là, là, et maintenant que vous m'avez embrassé, allez, allez vite.

Et il le poussa en avant.

– Mais où donc voulez-vous que j'aille, monsieur? demanda Philippe.

– Mais là-bas, morbleu!

– Là-bas?

– Oui, près de la reine.

– Oh! non, mon père, non, merci.

– Comment, non! comment, merci! Êtes-vous fou? Vous ne voulez pas aller rejoindre la reine?

– Mais non, c'est impossible; vous n'y pensez pas, mon cher père.

– Comment, impossible! impossible d'aller rejoindre la reine qui vous attend?

– Qui m'attend, moi?

– Mais oui; oui, la reine qui vous désire.

– Qui me désire!

Et Taverney regarda fixement le baron.

– En vérité, mon père, dit-il froidement, je crois que vous vous oubliez.

– Il est étonnant! parole d'honneur, dit le vieillard en se redressant et en frappant du pied. Ah! çà, Philippe, faites-moi le plaisir de me dire un peu d'où vous venez.

– Monsieur, dit tristement le chevalier, j'ai peur en vérité de prendre une certitude.

– Laquelle?

– C'est que vous vous moquez de moi, ou bien…

– Ou bien…

– Pardonnez-moi, mon père; ou bien… vous devenez fou.

Le vieillard saisit son fils par le bras avec un mouvement nerveux si énergique, que le jeune homme fronça le sourcil de douleur.

– Écoutez, monsieur Philippe, dit le vieillard. L'Amérique est un pays fort éloigné de la France, je le sais bien.

– Oui, mon père, très éloigné, répéta Philippe; mais je ne comprends point ce que vous voulez dire; expliquez-vous donc, je vous prie.

– Un pays où il n'y a ni roi ni reine.

– Ni sujets.

– Très bien! ni sujets, monsieur le philosophe. Je ne nie pas cela, ce point ne m'intéresse aucunement et m'est fort égal; mais ce qui ne m'est point égal, ce qui me peine, ce qui m'humilie, c'est que j'ai peur, moi aussi, d'avoir une certitude.

– Laquelle, mon père? En tout cas, je pense que nos certitudes diffèrent tout à fait l'une de l'autre.

– La mienne est que vous êtes un niais, mon fils, et cela n'est point permis à un grand gaillard taillé comme vous l'êtes; voyez, mais voyez donc là bas!

– Je vois, monsieur.

– Eh bien! la reine se retourne, et c'est pour la troisième fois; oui, monsieur, la reine s'est retournée trois fois, et tenez, la voilà qui se retourne encore; elle cherche qui, monsieur le niais, monsieur le puritain, monsieur de l'Amérique, oh!

Et le petit vieillard mordit, non plus avec ses dents, mais avec ses gencives, le gant de daim gris qui eût enfermé deux mains comme la sienne.

– Eh bien! monsieur, fit le jeune homme, quand il serait vrai, ce qui ne l'est probablement point, que c'est moi que la reine cherche?

– Oh! répéta encore le vieillard en trépignant, il a dit: «Quand ce serait vrai»; mais cet homme-là n'est pas de mon sang, cet homme-là n'est pas un Taverney!

– Je ne suis pas de votre sang, murmura Philippe.

Puis, tout bas et les yeux au ciel:

– Faut-il en remercier Dieu? dit-il.

– Monsieur, dit le vieillard, je vous dis que la reine vous demande; monsieur, je vous dis que la reine vous cherche.

– Vous avez bonne vue, mon père, dit sèchement Philippe.

– Voyons, reprit plus doucement le vieillard en essayant de modérer son impatience, voyons, laisse-moi t'expliquer. Il est vrai, tu as tes raisons, mais enfin, moi, j'ai l'expérience; voyons, mon bon Philippe, es-tu ou n'es-tu pas un homme?

Philippe haussa légèrement les épaules et ne répondit rien.

Le vieillard, en ce moment, et voyant qu'il attendait vainement une réponse, se hasarda, plutôt par mépris que par besoin, à fixer les yeux sur son fils, et alors il s'aperçut de toute la dignité, de toute l'impénétrable réserve, de toute la volonté inexpugnable dont ce visage était armé pour le bien, hélas!

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