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Le Collier de la Reine, Tome I

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2017
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– Ah! vous croyez, dit le comte, aussi flegmatique que Nestor, vous croyez que moi, un devin, comme vous dites, je me laisserai jouer ainsi? Vous avez cru avoir une idée en soudoyant le commissionnaire, n'est-ce pas? Eh bien! j'ai un intendant, moi; mon intendant a eu aussi une idée. Je le paie pour cela, il a deviné; c'est tout naturel que l'intendant d'un devin devine, il a deviné que vous viendriez chez le gazetier, que vous rencontreriez le commissionnaire, que vous soudoieriez le commissionnaire; il l'a donc suivi, il l'a menacé de lui faire rendre l'or que vous lui aviez donné: l'homme a eu peur, et au lieu de continuer son chemin vers votre hôtel, il a suivi mon intendant ici. Vous en doutez?

– J'en doute.

– Vide pedes, vide manus[6 - «Vois mes pieds, vois mes mains».]! a dit Jésus à saint Thomas. Je vous dirai, à vous, monsieur de Taverney: voyez l'armoire, et palpez les brochures.

Et, en disant ces mots, il ouvrit un meuble de chêne admirablement sculpté; et, dans le casier principal, il montra au chevalier pâlissant les mille exemplaires de la brochure encore imprégnés de cette odeur moisie du papier humide.

Philippe s'approcha du comte. Celui-ci ne bougea point, quoique l'attitude du chevalier fût des plus menaçantes.

– Monsieur, dit Philippe, vous me paraissez être un homme courageux; je vous somme de me rendre raison l'épée à la main.

– Raison de quoi? demanda Cagliostro.

– De l'insulte faite à la reine, insulte dont vous vous rendez complice en détenant ne fût-ce qu'un exemplaire de cette feuille.

– Monsieur, dit Cagliostro sans changer de posture, vous êtes, en vérité, dans une erreur qui me fait peine. J'aime les nouveautés, les bruits scandaleux, les choses éphémères. Je collectionne, afin de me souvenir plus tard de mille choses que j'oublierais sans cette précaution. J'ai acheté cette gazette; en quoi voyez-vous que j'aie insulté quelqu'un en l'achetant?

– Vous m'avez insulté, moi!

– Vous?

– Oui, moi! moi, monsieur! comprenez-vous?

– Non, je ne comprends pas, sur l'honneur.

– Mais, comment mettez-vous, je vous le demande, une pareille insistance à acheter une si hideuse brochure?

– Je vous l'ai dit, la manie des collections.

– Quand on est homme d'honneur, monsieur, on ne collectionne pas des infamies.

– Vous m'excuserez, monsieur; mais je ne suis pas de votre avis sur la qualification de cette brochure: c'est un pamphlet peut-être, mais ce n'est pas une infamie.

– Vous avouerez, au moins, que c'est un mensonge?

– Vous vous trompez encore, monsieur, car Sa Majesté la reine a été au baquet de Mesmer.

– C'est faux, monsieur.

– Vous voulez dire que j'en ai menti?

– Je ne veux pas le dire, je le dis.

– Eh bien! puisqu'il en est ainsi, je vous répondrai par un seul mot: je l'ai vue.

– Vous l'avez vue?

– Comme je vous vois, monsieur.

Philippe regarda son interlocuteur en face. Il voulut lutter avec son regard si franc, si noble, si beau, contre le regard lumineux de Cagliostro; mais cette lutte finit par le fatiguer, il détourna la vue en s'écriant:

– Eh bien! je n'en persiste pas moins à dire que vous mentez.

Cagliostro haussa les épaules, comme il eût fait à l'insulte d'un fou.

– Ne m'entendez-vous pas? dit sourdement Philippe.

– Au contraire, monsieur, je n'ai pas perdu une parole de ce que vous dites.

– Eh bien! ne savez-vous pas ce que vaut un démenti?

– Si, monsieur, répondit Cagliostro; il y a même un proverbe en France qui dit qu'un démenti vaut un soufflet.

– Eh bien! je m'étonne d'une chose.

– De laquelle?

– C'est de n'avoir pas encore vu votre main se lever sur mon visage, puisque vous êtes gentilhomme, puisque vous connaissez le proverbe français.

– Avant de me faire gentilhomme et de m'apprendre le proverbe français, Dieu m'a fait homme et m'a dit d'aimer mon semblable.

– Ainsi, monsieur, vous me refusez satisfaction l'épée à la main?

– Je ne paie que ce que je dois.

– Alors, vous me donnerez satisfaction d'une autre manière!

– Comment cela?

– Je ne vous traiterai pas plus mal qu'un homme de noblesse n'en doit traiter un autre; seulement, j'exigerai que vous brûliez en ma présence tous les exemplaires qui sont dans l'armoire.

– Et moi, je vous refuserai.

– Réfléchissez.

– C'est réfléchi.

– Vous allez m'exposer à prendre avec vous le parti que j'ai pris avec le gazetier.

– Ah! des coups de canne, dit Cagliostro en riant et sans remuer plus que n'eût fait une statue.

– Ni plus ni moins, monsieur; oh! vous n'appellerez pas vos gens.

– Moi? allons donc; et pourquoi appellerais-je mes gens? Cela ne les regarde pas; je ferai bien mes affaires moi-même. Je suis plus fort que vous. Vous doutez? Je vous le jure. Ainsi, réfléchissez à votre tour. Vous allez vous approcher de moi avec votre canne? Je vous prendrai par le cou et par l'échine, et je vous jetterai à dix pas de moi, et cela, entendez-vous bien, autant de fois que vous essaierez de revenir sur moi.

– Jeu de lord anglais, c'est-à-dire jeu de crocheteur. Eh bien! soit, monsieur l'Hercule, j'accepte.

Et Philippe, ivre de fureur, se jeta sur Cagliostro, qui tout à coup raidit ses bras comme deux crampons d'acier, saisit le chevalier à la gorge et à la ceinture, et le lança tout étourdi sur une pile de coussins épais qui garnissait un sofa dans l'angle du salon.

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