– Personne n'est caché, monsieur, mais enfin…
– Alors, si personne n'est caché, ne nous gênons pas pour parier… Que diriez-vous d'une petite association entre nous?
– Une association… Vous voyez bien…
– Voilà encore que vous confondez. Je ne vous dis pas liaison, je vous dis association. Je ne vous dis pas amour, je vous dis affaires.
– Quelle sorte d'affaires? demanda Oliva, dont la curiosité se trahissait par un véritable ébahissement.
– Qu'est-ce que vous faites toute la journée?
– Mais…
– Ne craignez point; je ne suis point pour vous blâmer; dites-moi ce qu'il vous plaira.
– Je ne fais rien, ou du moins je fais le moins possible.
– Vous êtes paresseuse.
– Oh!
– Très bien.
– Ah! vous dites très bien.
– Sans doute. Qu'est-ce que cela me fait, à moi, que vous soyez paresseuse? Aimez-vous à vous promener?
– Beaucoup.
– À courir les spectacles, les bals?
– Toujours.
– À bien vivre?
– Surtout.
– Si je vous donnais vingt-cinq louis par mois, me refuseriez-vous?
– Monsieur!
– Ma chère demoiselle Oliva, voilà que vous recommencez à douter. Il était pourtant convenu que vous ne vous effaroucheriez pas. J'ai dit vingt cinq louis comme j'aurais dit cinquante.
– J'aimerais mieux cinquante que vingt-cinq; mais ce que j'aime encore mieux que cinquante, c'est le droit de choisir mon amant.
– Morbleu! je vous ai déjà dit que je ne voulais pas être votre amant. Tenez-vous donc l'esprit en repos.
– Alors, morbleu! aussi, que voulez-vous que je fasse pour gagner vos cinquante louis?
– Avons-nous dit cinquante?
– Oui.
– Soit, cinquante. Vous me recevrez chez vous, vous ferez le meilleur visage possible, vous me donnerez le bras quand je le désirerai, vous m'attendrez où je vous dirai de m'attendre.
– Mais j'ai un amant, monsieur.
– Eh bien! après?
– Comment, après?
– Oui… chassez-le, pardieu!
– Oh! l'on ne chasse pas Beausire comme on veut.
– Voulez-vous que je vous y aide?
– Non, je l'aime.
– Oh!
– Un peu.
– C'est précisément trop.
– C'est comme cela.
– Alors, passe pour le Beausire.
– Vous êtes commode, monsieur.
– À charge de revanche; les conditions vous vont-elles?
– Elles me vont si vous me les avez dites au complet.
– Écoutez donc, ma chère, j'ai dit tout ce que j'ai à dire pour le moment.
– Parole d'honneur?
– Parole d'honneur! Mais, cependant, vous comprenez une chose…
– Laquelle?
– C'est que si, par hasard, j'avais besoin que vous fussiez réellement ma maîtresse…
– Ah! voyez-vous. On n'a jamais besoin de cela, monsieur.
– Mais de le paraître.