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Le Collier de la Reine, Tome I

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2017
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– Oui, si vous êtes bien décidée à tout faire pour arriver au but que je vous promets.

– Oh! soyez tranquille.

– Seulement, il ne faut plus soupirer comme vous soupiriez tout à l'heure.

– Soit. Je soupirais pour Gilbert; et comme il n'y avait pas deux Gilbert au monde, puisque Gilbert est mort, je ne soupirerai plus.

– Gilbert était jeune; il avait les défauts et les qualités de la jeunesse. Aujourd'hui…

– Gilbert n'est pas plus vieux aujourd'hui qu'il y a dix ans.

– Non, sans doute, puisque Gilbert est mort.

– Vous voyez bien, il est mort; les Gilbert ne vieillissent pas, ils meurent.

– Oh! s'écria l'inconnu, ô jeunesse! ô courage! ô beauté! semences éternelles d'amour, d'héroïsme et de dévouement, celui-là qui vous perd, perd véritablement la vie. La jeunesse c'est le paradis, c'est le ciel, c'est tout. Ce que Dieu nous donne ensuite, ce n'est que la triste compensation de la jeunesse. Plus il donne aux hommes, une fois la jeunesse perdue, plus il a cru devoir les indemniser. Mais rien ne remplace, grand Dieu! les trésors que cette jeunesse prodiguait à l'homme.

– Gilbert eût pensé ce que vous dites si bien, fit Oliva; mais assez sur ce sujet.

– Oui, parlons de vous.

– Parlons de ce que vous voudrez.

– Pourquoi avez-vous fui avec Beausire?

– Parce que je voulais quitter Trianon, et qu'il me fallait fuir avec quelqu'un. Il m'était impossible de demeurer plus longtemps pour Gilbert un pis aller, un reste dédaigné.

– Dix ans de fidélité par orgueil, dit le domino bleu; oh! que vous avez payé cher cette vanité!

Oliva se mit à rire.

– Oh! je sais bien de quoi vous riez, dit gravement l'inconnu. Vous riez de ce qu'un homme qui prétend tout savoir vous accuse d'avoir été dix ans fidèle, quand vous ne vous doutiez pas vous être rendue coupable d'un pareil ridicule. Oh! mon Dieu! s'il est question de fidélité matérielle, pauvre jeune femme, je sais à quoi m'en tenir là-dessus. Oui, je sais que vous avez été en Portugal avec Beausire, que vous y êtes restée deux ans, que, de là, vous êtes passée dans l'Inde, sans Beausire, avec un capitaine de frégate, qui vous cacha dans sa cabine, et vous oublia à Chandernagor, en terre ferme, au moment où il revint en Europe. Je sais que vous avez eu deux millions de roupies à dépenser dans la maison d'un nabab, qui vous enfermait sous trois grilles. Je sais que vous avez fui en sautant par-dessus ces grilles sur les épaules d'un esclave. Je sais enfin que, riche, car vous aviez emporté deux bracelets de perles fines, deux diamants et trois gros rubis, vous revîntes en France, à Brest, où, sur le port, votre mauvais génie vous fit, au débarquer, retrouver Beausire, lequel faillit s'évanouir en vous reconnaissant vous-même, toute bronzée et amaigrie que vous reveniez en France, pauvre exilée!

– Oh! fit Nicole, qui êtes-vous donc, mon Dieu! pour savoir toutes ces choses?

– Je sais enfin que Beausire vous emmena, vous prouva qu'il vous aimait, vendit vos pierreries, et vous réduisit à la misère… Je sais que vous l'aimez, que vous le dites, du moins, et que, comme l'amour est la source de tout bien, vous devez être la plus heureuse femme qui soit au monde.

Oliva baissa la tête, appuya son front sur sa main, et à travers les doigts de cette main, on vit rouler deux larmes, perles liquides, plus précieuses peut-être que celles de ses bracelets, et que, cependant, personne, hélas! n'eût voulu acheter à Beausire.

– Et cette femme si fière, cette femme si heureuse, dit-elle, vous l'avez acquise ce soir pour une cinquantaine de louis.

– Oh! c'est trop peu, madame, je le sais bien, dit l'inconnu avec cette grâce exquise et cette courtoisie parfaite qui n'abandonnent jamais l'homme comme il faut, parlât-il à la plus infime des courtisanes.

– Oh! c'est beaucoup trop cher, monsieur, au contraire; et cela m'a étrangement surprise, je vous le jure, qu'une femme comme moi valût encore cinquante louis.

– Vous valez bien plus que cela, et je vous le prouverai. Oh! ne me répondez rien, car vous ne me comprenez pas; et puis, ajouta l'inconnu en se penchant de côté…

– Et puis?

– Et puis, en ce moment, j'ai besoin de toute mon attention.

– Alors je dois me taire.

– Non, tout au contraire, parlez-moi.

– De quoi?

– Oh! de ce que vous voudrez, mon Dieu! Dites-moi les choses les plus oiseuses de la terre, peu m'importe, pourvu que nous ayons l'air occupés.

– Soit; mais vous êtes un homme singulier.

– Donnez-moi le bras et marchons.

Et ils marchèrent dans les groupes, elle cambrant sa fine taille et donnant à sa tête, élégante même sous le capuce, à son col, flexible même sous le domino, des mouvements que tout connaisseur regardait avec envie; car, au bal de l'Opéra, en ce temps de galantes prouesses, le passant suivait de l'œil une marche de femme aussi curieusement qu'aujourd'hui quelques amateurs suivent le train d'un beau cheval.

Oliva, au bout de quelques minutes, hasarda une question.

– Silence! dit l'inconnu, ou plutôt parlez, si vous voulez, tant que vous voudrez; mais ne me forcez pas à répondre. Seulement, tout en parlant, déguisez votre voix, tenez la tête droite, et grattez-vous le col avec votre éventail.

Elle obéit.

En ce moment, nos deux promeneurs passaient contre un groupe tout parfumé, au centre duquel un homme d'une taille élégante, d'une tournure svelte et libre, parlait à trois compagnons, qui paraissaient l'écouter respectueusement.

– Qui donc est ce jeune homme? demanda Oliva. Oh! le charmant domino gris perle.

– C'est M. le comte d'Artois, répondit l'inconnu, mais ne parlez plus, par grâce!

Chapitre XXIV

Le bal de l'Opéra – (suite)

Au moment où Oliva, toute stupéfaite du grand nom que venait de proférer son domino bleu, se rangeait pour mieux voir et se tenait droite, suivant la recommandation plusieurs fois répétée, deux autres dominos, se débarrassant d'un groupe bavard et bruyant, se réfugièrent près du pourtour, à un endroit où les banquettes manquaient.

Il y avait là une sorte d'îlot désert, que mordaient par intervalles les groupes de promeneurs refoulés du centre à la circonférence.

– Adossez-vous sur ce pilier, comtesse, dit tout bas une voix qui fit impression sur le domino bleu.

Et presque au même instant, un grand domino orange, dont les allures hardies révélaient l'homme utile plutôt que le courtisan agréable, fendit la foule et vint dire au domino bleu:

– C'est lui.

– Bien, répliqua celui-ci.

Et du geste, il congédia le domino jaune.

– Écoutez-moi, fit-il alors à l'oreille d'Oliva, ma bonne petite amie, nous allons commencer à nous réjouir un peu.

– Je le veux bien, car vous m'avez deux fois attristée, la première en m'ôtant Beausire, qui me fait rire toujours, la seconde en me parlant de Gilbert, qui me fit tant de fois pleurer.

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