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Entre ombres et obscurités

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2018
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– Vous vous croyez où ici? Tirez! Vous allez voir! C’est tout le village que vous allez tuer, cria un des villageois, ce devait être lui le leader.

Sans doute je me suis laissé influencer par la négativité de la situation, mais j’ai trouvé que ce personnage était taché d’une laideur macabre! En même temps, il fallut qu’il soit laid pour asseoir son autorité sur ses naïfs sbires, sinon je ne vois pas quel autre argument il pouvait avoir parce qu’il était d’une corpulence qui n’effraierait même pas un bambin.

Un silence inquiétant s’imposa ensuite. Tous les protagonistes se regardaient avec de la défiance pleine dans les yeux, on se serait cru dans un western américain: avec d’un côté le bon que je représentais à côté des brutes qu’étaient les gendarmes, et de l’autre côté les truands villageois. L’électricité montante me conseilla d’agir avant de voir les balles fuser des armes de ces excités hommes en tenue et atteindre d’idiots adversaires simplement munis de machettes. Je ne voulais en aucun cas voir mon nom mêlé aux grands titres de journaux d’opposition et de la communauté internationale qui à son habitude condamnera promptement une énième dérive d’un gouvernement africain.

Fort de ce risque, j’ouvris ma portière et m’adressai aux hommes en tenue d’un ton solennel :

– Ça va les gars, baissez vos armes.

Les gendarmes s’exécutèrent tout en exprimant un mécontentement dans leurs gestes, après avoir été stoppés dans leurs envies de punition.

– Je me présente: je suis Paul Endenne, je travaille au ministère de l’éducation nationale. Nous accompagnons le ministre pour les dons qu’il doit faire au profit de l’école publique, dis-je aux jeunes délinquants d’un ton conciliateur. Mais ils se mirent plutôt à me brutaliser du regard en affichant leur rage devant l’assurance et la détente avec laquelle je m’étais adressé à eux.

Les seuls comportements que ce type de personnes était habitué à voir de la part des étrangers se résumaient en de la soumission. J’imaginais le cataclysme mental qu’ils avaient dû subir en voyant un maigre civil s’adresser à eux avec tant de maitrise émotionnelle. S’ils avaient seulement fait un tour dans mes cavités nerveuses, ils auraient su que la peur régnait à l’unanimité dans le royaume de mes sentiments.

– Les dons? demanda soudainement l’un d’eux.

– Oui les dons, idiot, répondit un autre, comme pour signifier au premier la stupidité de sa question.

Puis ils se mirent à discuter entre eux en dialecte. Il me paraissait difficile de saisir le moindre mot de leur conversation malgré mes bases solides de maîtrise de plusieurs langues de mon pays. Les gendarmes quant à eux étaient toujours prêts à en découdre, ils continuaient à fixer du regard les jeunes gens en serrant leurs armes.

– Ça va, vous pouvez passer, conclut leur leader deux minutes après le début de leur conclave. Vous êtes les gens du ministre Agbwala, c’est un bon gars.

Après la conclusion du chef de file, tout le groupe s’était écarté du chemin d’un mouvement harmonisé semblable à un ballet aquatique. Le regret se faisait encore lire sur les visages de mes gardes du corps quand ils reprenaient place dans la voiture. Ils avaient dû considérer tout ce qui venait de se passer comme un acte de défiance, un affront qu’un homme en tenue digne de ce nom ne saurait tolérer. De grâce, nous continuâmes ensuite notre chemin avec plus de tranquillité, c’en était moins une!

Arrivé au centre du village, je pris la décision de rencontrer la directrice de l’école en premier lieu, mais constatai qu’elle ne se trouvait pas à son bureau lorsque je m’y rendis. Heureusement, quelques secondes plus tard, en repassant par la cour de l’école, un habitant la pointa du doigt à l’autre bout du terrain de football où elle discutait avec quelques enfants. Alors que je m’attendais une fois rapproché à voir une dame sèche aux grosses lunettes et à l’autorité frappante, c’est avec plaisir que je découvris qu’il s’agissait d’une femme charmante, tenue sur de hauts talons, charnue, et dont la beauté au premier regard entrainerait plus d’un dans une tentative d’appropriation corporelle. Elle faisait dans les un mètre soixante, un teint foncé, et un visage rond rempli de sensualité ponctué d’un rouge à lèvres marron. Sublime dans son endimanchement fait d’une robe ample en tissu africain, sa personne laissait échapper une fraicheur exceptionnelle et finissait par me rendre captif comme sous l’effet de la splendeur d’un tableau de Michel-Ange. Il fut difficile de me concentrer dans la conversation tant l’intensité de son doux regard me subjuguait jusqu’à m’obstruer l’ouïe de telle sorte que je ne pus même pas entendre son nom. L’engagement brutal contenu dans son discours vint alors me violenter et me remettre sur le droit chemin, celui d’une écoute plus attentive. Les traits froncés de son visage accompagnaient son propos mélancolique, les complaintes s’enchainaient de sa bouche avec une conviction qui me désolait de ne pas être en mesure d’apporter solutions à elles toutes.

Notre conversation prit fin lorsqu’elle me laissa devant la porte du chef du village en me soustrayant à sa grâce que je regrettai très rapidement une fois mon entretien commencé avec l’autorité traditionnelle, un homme dont la sénescence de la peau fit de lui un sexagénaire de l’avis de mes yeux, sec et très solide, trahissant par sa gestuelle son passé d’ancien combattant.

Ce dernier réussit cependant à plus rapidement attirer mon attention grâce au charisme qui accompagna sa prise de parole.

– D’après-vous monsieur Paul, pourquoi le ministre fait-il tout ceci? me demanda-t-il en me fixant droit dans les yeux.

– Monsieur Agbwala est un homme très charitable vous savez…

– Exactement!!! me coupa-t-il sèchement. Beaucoup de mes frères ici voient en sa visite un calcul politique et un moyen de redorer son blason. Moi je vois juste en monsieur le ministre un homme qui a de la compassion, un homme qui a du cœur. Depuis la guerre nous sommes devenus des parias dans cette République. Nous payons le prix des décisions des autres… Actuellement même les miettes nous n’avons pas. Vous avez vu par vous même l’état du village, dites-moi, pourquoi les jeunes ne se rebelleraient-ils pas!!!?

Il était presque devenu nerveux à cause de ce qu’il racontait, ce qui me poussa à prendre un air attristé pour lui montrer toute ma commisération. En général je m’abstiens de prononcer le moindre mot face aux interlocuteurs qui prennent le chemin d’un monologue guidé par des motivations passionnées, le calme est la meilleure des réponses dans ce genre de situation. Il resta ensuite silencieux un moment puis prit son téléphone. Je l’entendis converser en dialecte avec son interlocuteur avant de le voir se retourner brusquement vers moi et me dire :

– Repartez à l’école! Des jeunes vous y attendent. Ils vont vous donner un coup de main.

– Merci beaucoup, lui répondis-je un peu surpris par cette aide qui m’embarrassait du fait qu’elle ne coïncidait pas avec les vraies raisons de ma venue que je qualifierais de courtoise.

Ma sournoise ingratitude fut sanctionnée quand deux heures de travail plus tard, j’en étais rendu à remercier ciel et terre pour l’assistance dont m’avait fait bénéficier le vieil homme. On ne s’en serait jamais sorti sans la débauche d’énergie de ces jeunes qui avaient suivi les ordres de leur chef. Ils avaient travaillé avec tellement de gaieté et d’enthousiasme en m’aidant à installer les bâches et les chaises en plastique nécessaires à l’accueil des personnalités conviées à la cérémonie. Je préférais retenir ce visage de la jeunesse, loin des clichés sur l’inhospitalité de la région tout entière et surtout à des kilomètres du comportement animal qu’avaient eu les agresseurs à l’entrée du village. Une fois le travail fini, il ne restait plus qu’à attendre l’arrivée du ministre. Malgré son indéniable popularité, la peur de constater plus tard une mobilisation peu significative de la population m’angoissait. Franchement cela allait faire mauvaise presse de ne voir que quelques personnes assister à cet évènement. J’imaginais combien les opposants s’en seraient donné à cœur joie pour utiliser cet éventuel échec comme preuve de l’impopularité du gouvernement et du ministre en personne. Malheureusement pour eux petit à petit les gens commençaient à s’amasser autour de l’endroit.

Trente minutes plus tard le petit nombre s’était transformé en une grande foule dans la cour de l’école, tout le village était désormais présent, même les autorités administratives de la région étaient au complet. Il y avait une forte ambiance, au rythme des tam-tams et des balafons des jeunes se déhanchaient, de petits enfants nous offraient le spectacle d’une chorégraphie certainement travaillée depuis des semaines, l’excitation était à son comble. La chaine de télévision nationale capturait cette liesse, toute une équipe avait été missionnée pour immortaliser l’évènement. Soudainement, comme dans un mirage, nous aperçûmes un quatre-quatre noir aux vitres fumées s’amener à l’avant d’un convoi de véhicules de ce même calibre. Deux minutes après, la garde rapprochée du ministre, constituée d’hommes habillés en noir, lunettes aux yeux et chuchotant dans leurs oreillettes, ouvrait les portières de la Volkswagen située au milieu du groupe de véhicules.

Monsieur le ministre sortit tout magnanimement de la caisse, dans un costume gris, des lunettes noires, tout bien accoutré comme à son habitude, sa prestance n’avait d’égal que son charisme. À sa vue, la liesse grimpa en tonalité et envoya une gifle à tous ceux qui imaginaient que la popularité de cet homme avait considérablement diminué depuis les révélations de la presse et toutes les campagnes de dénigrement dont il avait été l’objet. L’amour que cette population témoigna à mon patron me fit comprendre pourquoi ce village avait été choisi parmi tant d’autres pour cette campagne d’image. Effectivement le message qui en résultait était celui de la communion du peuple avec ce héros qui lui avait tant donné et qui continuait à le faire sans distinction d’appartenance ethnique ou politique.

Une mignonne petite fille vint ensuite lui offrir un bouquet de fleurs en guise d’accueil, puis il fit sous des applaudissements intermittents un discours à la fois fort en paroles d’encouragement et de solidarité, mais aussi avec une pointe de démagogie politicienne. Par la suite il remit à la directrice de l’école du matériel informatique constitué de vingt ordinateurs et quatre imprimantes. Cela me permit de découvrir avec émerveillement le sourire de cette femme. Elle semblait comblée et accompagnait son état de jouissance absolue par une petite danse saccadée qui provoqua l’hilarité générale. Les jeunes à côté de moi me confieront d’ailleurs leur surprise de voir cette dame habituellement droite dans ses bottes entrain de se laisser aller à une telle expression corporelle en public.

Cette cérémonie riche en émotions prit son terme lorsque nous partagions un repas avec les principales autorités du village et de la région. Il ne nous restait plus qu’à rentrer en ville, et malgré toute l’allégresse ressentie au cours de cet évènement, je préférais me savoir chez moi le plus tôt possible.

Un peu plus tard, mon impatience se faisait de plus en plus croissante en attendant le ministre toujours assis dans la salle du banquet et occupé depuis longtemps par une longue discussion avec le gouverneur. Mais alors que l’ennui en moi était presqu’à son paroxysme, j’entendis loin derrière moi:

– Paul, Paul viens…

Après avoir constaté qu’il s’agissait de lui, et donc que son entrevue avec le chef de terre venait certainement de se terminer, je courus à grandes enjambées le rejoindre. Une fois à sa taille, il chatouilla mon égo avec des paroles plaisantes.

– Bon travail mon petit, continue comme ça, un jour tu deviendras ministre, me dit-il avec un ton assuré.

– Merci, merci monsieur le ministre, lui répondis-je tout flatté. Ce n’était pas la première fois qu’il me promettait un si bel avenir, mais j’avoue que cela m’a toujours fait du bien d’entendre de telles éloges de la bouche d’un homme aussi accompli que lui.

Il mit ensuite la main dans sa poche droite puis sortit une liasse de billets. Malgré ma bonne condition sociale, je fus très impressionné de voir tout ce cash. Sans compter, il me les tendit et dit :

– Tiens ceci! Partage à tous ceux qui t’ont donné un coup de main.

– Mais monsieur, mais le budget… objectai-je avec beaucoup de gêne et de respect.

Mais ce fut sans compter sur sa grande générosité.

– Fais ce que je te dis, me coupa-t-il avant de conclure: tu comprendras plus tard.

C“était à cause de toutes ces choses qu’on l’aimait, il a toujours eu le bon mot, le bon geste. Il était un mélange subtil de charisme et de charité. Je l’admirais et priais fort de lui ressembler, moi qui étais tout son contraire: toujours discret, agoraphobe, timide et surtout dénué de tout charisme. Si on rajoute à cela ma chicheté, le compte de mes défauts les plus criards est bon.

Trente minutes plus tard nous prenions finalement le chemin retour vers la capitale. Anticipant une probable réorganisation du planning de la journée fort des expériences passées, je décidai d’être à une meilleure proximité physique du ministre en choisissant de rentrer par le biais de sa voiture, la mienne étant désormais conduite par un de mes subalternes. Mais en seulement quelques minutes passées dans ce véhicule, l’insécurité commença à me gagner en me renvoyant aux regrets de mon choix lorsque la vitesse de plus en plus grandissante du chauffeur devenait anormale et dangereuse. Mon rythme cardiaque montait en flèche à chacun de nos passages à côté de ces gros camions transporteurs de billes de bois habituellement croisés dans les routes liaisons entre la côte et l’intérieur du pays. Le ministre lui n’avait visiblement aucun problème. Il était au téléphone, concentré dans une discussion. Je l’entendais dire « mon amour, oui mon amour”, ce qui m’amena à la conclusion que ce devait être sa femme. Monsieur le ministre était marié, père de trois enfants en bas âge.

Alors que nous continuions à mon plus grand désarroi de rouler à tombeau ouvert, le ministre chuchota une instruction au garde du corps occupant le siège passager à l’avant du véhicule. Ce dernier se dépêcha de la transmettre au chauffeur sous mon regard interrogé. Il m’était inhabituel d’être ainsi éloigné de la confidence. Sachant en plus que c’était justement pour être proche de toute information que je me suis risqué à faire chemin dans ce train à grande vitesse, mes interrogations se mêlaient à une amère frustration. J’étais rendu à devoir deviner notre prochaine destination qui devenait de plus en plus claire au fil des minutes à travers les chemins choisis par le chauffeur. Mes intuitions, tournant autour d’une escale dans un établissement hôtelier certainement pour y tenir une réunion improvisée, augmentées ensuite dans leur intensité une fois que nous entrions dans le quartier d’affaires de la ville, se confirmèrent lorsque je découvris se rapprocher le grand portail du palace le plus chic de toute la capitale, le seul cinq étoiles du pays: l’hôtel Atlantique. Un merveilleux endroit, autant renommé par sa qualité de service que par sa beauté et son design, mais sélectif en tout bord pour ceux qui ne se sentiraient pas suffisamment dissuadés par les prix exorbitants des chambres. Malgré la splendeur de l’établissement, le sentiment intrigué qui m’avait gagné depuis la marginalisation informationnelle dont j’avais fait l’objet se trouvait étrangement grandi lorsque nous pénétrions le cinq étoiles. Il m’était difficile de chasser de mon esprit les autres faits, moins glorieux, qui faisaient aussi la réputation de cet endroit. De nombreuses légendes circulaient autour de pratiques mystiques au sein de cet hôtel et, plus grave encore, il était avéré que ce lieu constituait un véritable bordel de luxe. Alors quand j’ajoutais à mes questionnements le fait que notre visite reste exceptionnelle et surprenante puisque l’hôtel en question ne constituait pas les habituelles destinations du ministre, je voyais les anciennes rumeurs faisant de mon patron un homme aux lourds secrets et aux pratiques sombres me prendre de nouveau en otage alors même que je les croyais mortes depuis qu’il avait été démontré qu’elles étaient infondées. Troublé par ces obscurités, je me laissais aller dans des imaginations en tout genre durant toute la période au cours de laquelle nous l’attendions assis au rez-de-chaussée depuis qu’il était monté sans une fois de plus rien me dire. Le doute adore l’inconnu, et dans l’inconnu j’étais bien noyé, pas seulement du fait de cet établissement de haut standing dont l’intérieur m’émerveillait et m’intriguait en même temps, mais surtout à cause des minutes qui se transformaient en heures sans que nous ne revoyions le ministre redescendu avec le seul garde du corps qui l’avait accompagné vers l’ascenseur plus tôt.

L’attente finit par prendre fin et le ministre finit par mettre un terme à mes doutes en sanctionnant la malice qui avait profité de l’inconnu dans lequel il m’avait laissé, il s’excusa de ne m’avoir pas informé et me confia que l’urgence familiale était la cause de ses curieux agissements. Je ne pus guère insister d’avoir plus amples explications que celle-là puisque obnubilé par tant d’humilité de la part de ce grand homme!

A peine sortis de l’immeuble en prenant la direction du garage, nous fûmes brusqués par un groupe d’enfants de la rue qui vint à notre rencontre en mendiant. Il s’agissait de quatre garnements caractérisés d’une pestilence accentuée et visiblement affamés. Leur paraître justifiait la pauvreté dans notre pays. Les cheveux crépus sur leurs têtes augmentaient l’aspect de chien errant qu’ils partageaient tous. La saleté qui les caractérisait contrastait parfaitement du luxe qui les environnait et rendait presque brutale leur présence dans ce lieu en questionnant la qualité du travail des agents de sécurité de l’hôtel. Les nerveux gardes du corps du ministre quant à eux ne laissèrent pas bien longtemps l’occasion de douter de leur efficacité, ils sautèrent sur ces gamins et les saisirent rudement.

– Laissez! Laissez! se mit à crier le ministre en nous rendant tous abasourdis par sa réaction. Malgré la notoriété de sa bonté, l’énergie contenue dans sa réplique paraissait quand même démesurée.

Il prit ensuite un des enfants à l’écart, ce devait être le plus âgé d’entre eux.

– Que faites-vous là? lui demanda-t-il.

– Mes parents sont morts monsieur. Je suis avec mes frères, nous essayons de trouver quelque chose à manger. Nous vendions des arachides et cirions les chaussures des passants quand on nous a tout volés l’autre jour.

– Humm, s’exclama-t-il avant d’appeler un de ses gardes pour lui donner quelques consignes.

Aussitôt nous entendions les enfants manifester leur allégresse avec des expressions de reconnaissance envers leur inattendu bienfaiteur. Il m’a été impossible de connaitre l’objet de leur joie soudainement retrouvée, mais la beauté du geste de mon patron me stupéfia durant tout le reste du trajet retour vers nos bureaux. Il y avait à cette époque-là une recrudescence du nombre d’enfants dans les rues. Beaucoup quittaient leurs villages pour tenter une aventure dans les villes, d’autres étaient issus de familles pauvres résidant dans la cité, mais restaient comme ultimes secours de leurs parents pour la plupart en situation de chômage et de misère. J’avais une opinion contrastée sur le sujet, autant j’éprouvais de la compassion pour ces enfants qu’on livrait à l’incertitude de la rue, autant je ressentais du dégout envers ceux qui les y envoyaient, mais aussi envers ceux qui pouvaient changer les choses mais dont les actions restaient soit absentes soit insignifiantes. Tout ce qui venait de se passer m’avait définitivement fait oublier cette inattendue escapade à l’hôtel Atlantique, même de retour au bureau je n’eus de cesse d’y repenser, j’étais dépassé par tant de bonté.

La soirée venue, je n’hésitai pas à raconter ma journée à Caroline en insistant surtout sur les derniers évènements à l’hôtel Atlantique. Mais comme d’habitude, surtout quand le nom du ministre était engagé, mon épouse ne retint que les points négatifs. Elle se plaignit d’abord du danger auquel nous avions été confrontés entre les mains des brigands au village Waloua, puis suivit ensuite le chemin des rumeurs dans ses insinuations lorsque nous rediscutions de l’inopinée escale de la délégation au cinq étoiles. Elle n’hésita pas à dire sa méfiance devant cette inaccoutumée destination du ministre, et me conseilla la prudence au cas où ce dernier envisagerait de se rendre à nouveau dans ce genre d’endroit.

Fort heureusement, pour une fois, nous ne nous étions pas trop étalés sur ce sujet, et n’avions pas donné le spectacle navrant d’une argumentation agitée portant généralement sur la personne de mon patron.
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