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Le Collier de la Reine, Tome I

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2017
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«Allons, allons, murmura Jeanne, le poisson mord de plus en plus.»

Jeanne avait raison, et l'hameçon était entré au plus profond de la proie.

Aussi, le lendemain, en sortant de la petite maison du faubourg Saint-Antoine, le cardinal se fit-il conduire directement chez Bœhmer.

Il comptait garder l'incognito, mais Bœhmer et Bossange étaient les joailliers de la cour, et aux premiers mots qu'il prononça, ils l'appelèrent monseigneur.

– Eh bien! oui, monseigneur, dit le cardinal; mais puisque vous me reconnaissez, tâchez au moins que d'autres ne me reconnaissent pas.

– Monseigneur peut être tranquille. Nous attendons les ordres de monseigneur.

– Je viens pour vous acheter le collier en diamants que vous avez montré à la reine.

– En vérité, nous sommes au désespoir, mais monseigneur vient trop tard.

– Comment cela?

– Il est vendu.

– C'est impossible, puisque hier vous avez été l'offrir de nouveau à Sa Majesté.

– Qui l'a refusé de nouveau, monseigneur, voilà pourquoi l'ancien marché subsiste.

– Et avec qui ce marché a-t-il été conclu? demanda le cardinal.

– C'est un secret, monseigneur.

– Trop de secrets, monsieur Bœhmer.

Et le cardinal se leva.

– Mais, monseigneur.

– Je croyais, monsieur, continua le cardinal, qu'un joaillier de la couronne de France devait se trouver content de vendre en France ces belles pierreries; vous préférez le Portugal, à votre aise, monsieur Bœhmer.

– Monseigneur sait tout! s'écria le joaillier.

– Eh bien! que voyez-vous d'étonnant à cela?

– Mais, si monseigneur sait tout, ce ne peut être que par la reine.

– Et quand cela serait? dit monsieur de Rohan sans repousser la supposition, qui flattait son amour-propre.

– Oh! c'est que cela changerait bien les choses, monseigneur.

– Expliquez-vous, je ne comprends pas.

– Monseigneur veut-il me permettre de lui parler en toute liberté?

– Parlez.

– Eh bien! la reine a envie de notre collier.

– Vous le croyez?

– Nous en sommes sûrs.

– Ah! et pourquoi ne l'achète-t-elle pas alors?

– Mais parce qu'elle a refusé au roi, et que revenir sur cette décision qui a valu tant d'éloges à Sa Majesté, ce serait montrer du caprice.

– La reine est au-dessus de ce que l'on dit.

– Oui, quand c'est le peuple, ou même quand ce sont des courtisans qui disent; mais quand c'est le roi qui parle…

– Le roi, vous le savez bien, a voulu donner ce collier à la reine?

– Sans doute; mais il s'est empressé de remercier la reine quand la reine a refusé.

– Voyons, que conclut M. Bœhmer?

– Que la reine voudrait bien avoir le collier sans paraître l'acheter.

– Eh bien! vous vous trompez, monsieur, dit le cardinal, il ne s'agit point de cela.

– C'est fâcheux, monseigneur, car c'eût été la seule raison décisive pour nous de manquer de parole à monsieur l'ambassadeur de Portugal.

Le cardinal réfléchit.

Si forte que soit la diplomatie des diplomates, celle des marchands leur est toujours supérieure… D'abord, le diplomate négocie presque toujours des valeurs qu'il n'a pas; le marchand tient et serre dans sa griffe l'objet qui excite la curiosité: le lui acheter, le lui payer cher, c'est presque le dépouiller.

Monsieur de Rohan, voyant qu'il était au pouvoir de cet homme:

– Monsieur, dit-il, supposez si vous voulez que la reine ait envie de votre collier.

– Cela change tout, monseigneur. Je puis rompre tous les marchés quand il s'agit de donner la préférence à la reine.

– Combien vendez-vous ce collier?

– Quinze cent mille livres.

– Comment organisez-vous le paiement?

– Le Portugal me payait un acompte, et j'allais porter le collier moi-même à Lisbonne, où l'on me payait à vue.

– Ce mode de paiement n'est pas praticable avec nous, monsieur Bœhmer; un acompte, vous l'aurez s'il est raisonnable.

– Cent mille livres.

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