– Alors, moi, je dirai tout au roi, répliqua le prince sur le même ton.
– Il a raison, nous sommes sous sa dépendance.
– Tout à fait. C'est humiliant; mais qu'y faire?
– Se soumettre. Ainsi, vous dites donc que pour sortir demain matin sans rencontrer personne…
– Un seul coup de sonnette, à la colonne en bas.
– À laquelle? à celle de droite ou à celle de gauche?
– Peu importe.
– La porte s'ouvrira?
– Et se fermera.
– Toute seule?
– Toute seule.
– Merci. Bonsoir, mon frère.
– Bonsoir, ma sœur.
Le prince salua, Andrée ferma les portes derrière lui. Il disparut.
Chapitre VII
L'alcôve de la reine
Le lendemain, ou plutôt le matin même, car notre dernier chapitre a dû se fermer vers les deux heures de la nuit; le matin même, disons-nous, le roi Louis XVI, en petit habit violet du matin, sans ordre et sans poudre, et tel qu'il venait de sortir de son lit enfin, heurta aux portes de l'antichambre de la reine.
Une femme de service entrebâilla cette porte, et reconnaissant le roi:
– Sire!.. dit-elle.
– La reine! demanda Louis XVI d'un ton bref.
– Sa Majesté dort, sire.
Le roi fit un geste comme pour éloigner la femme, mais celle-ci ne bougea point.
– Eh bien! dit le roi, vous bougerez-vous? Vous voyez bien que je veux passer.
Le roi avait par moments une promptitude de mouvement que ses ennemis appelaient de la brutalité.
– La reine repose, sire, objecta timidement la femme de service.
– Je vous ai dit de me livrer passage, répliqua le roi.
En effet, à ces mots il écarta la femme et passa outre.
Arrivé à la porte même de la chambre à coucher, le roi vit Mme de Misery, première femme de chambre de la reine, qui lisait la messe dans son livre d'heures.
Cette dame se leva dès qu'elle aperçut le roi.
– Sire, dit-elle à voix basse et avec un profond salut, Sa Majesté n'a pas encore appelé.
– Ah! vraiment, fit le roi d'un air railleur.
– Mais, sire, il n'est guère que six heures et demie, je crois, et jamais Sa Majesté ne sonne avant sept heures.
– Et vous êtes sûre que la reine est dans son lit? Vous êtes sûre qu'elle dort?
– Je n'affirmerais pas, sire, que Sa Majesté dort; mais je suis sûre qu'elle est dans son lit.
– Elle y est?
– Oui, sire.
Le roi n'y put tenir plus longtemps. Il marcha droit à la porte, tourna le bouton doré avec une précipitation bruyante, et entra.
La chambre de la reine était obscure comme en pleine nuit: volets, rideaux et stores, hermétiquement fermés, y maintenaient les plus épaisses ténèbres.
Une veilleuse, brûlant sur un guéridon dans l'angle le plus éloigné de l'appartement, laissait l'alcôve de la reine entièrement baignée dans l'ombre, et les immenses rideaux de soie blanche à fleurs de lis d'or pendaient à plis ondoyants sur le lit en désordre.
Le roi marcha d'un pas rapide vers le lit.
– Oh! madame de Misery, s'écria la reine, que vous êtes bruyante, voilà que vous m'avez réveillée.
Le roi s'arrêta, stupéfait.
– Ce n'est point Mme de Misery, murmura-t-il.
– Tiens! c'est vous, sire, ajouta Marie-Antoinette en se soulevant.
– Bonjour, madame, articula le roi d'un ton aigre-doux.
– Quel bon vent vous amène, sire? demanda la reine. Madame de Misery! madame de Misery! ouvrez donc les fenêtres.
Les femmes entrèrent et, selon l'habitude que leur avait fait prendre la reine, elles ouvrirent à l'instant portes et fenêtres, pour donner passage à l'invasion d'air pur que Marie-Antoinette respirait avec délices en s'éveillant.
– Vous dormez de bon appétit, madame, dit le roi en s'asseyant près du lit, après avoir promené son regard investigateur.
– Oui, sire, j'ai lu tard, et par conséquent, si Votre Majesté ne m'eût point réveillée, je dormirais encore.
– D'où vient qu'hier vous n'avez pas reçu, madame?