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Le Collier de la Reine, Tome I

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2017
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– Merci, sire, répondit la reine d'un ton railleur.

– Songez bien, continua le roi, que je ne vous ai soupçonnée de rien qui ne fût parfaitement droit et honnête; la démarche seule, et l'aventureuse allure de la reine, m'ont déplu; vous avez fait le bien comme toujours; mais en faisant le bien aux autres, vous avez trouvé le moyen de vous faire du mal à vous. Voilà ce que je vous reproche. Maintenant, j'ai à réparer quelque oubli, j'ai à veiller au sort d'une famille de rois. Je suis prêt: dénoncez-moi ces infortunes, et mes bienfaits ne se feront pas attendre.

– Le nom de Valois, sire, est assez illustre, je pense, pour que vous l'ayez à présent à la mémoire.

– Ah! s'écria Louis XVI avec un bruyant éclat de rire, je sais maintenant ce qui vous occupe. La petite Valois, n'est-ce pas, une comtesse de… de… Attendez donc…

– De La Motte.

– Précisément, de La Motte; son mari est gendarme?

– Oui, sire.

– Et la femme est une intrigante. Oh! ne vous fâchez pas, elle remue ciel et terre; elle accable les ministres; elle harcèle mes tantes; elle m'écrase moi-même de suppliques, de placets, de preuves généalogiques.

– Eh! sire, cela prouve qu'elle a jusqu'ici réclamé inutilement, voilà tout.

– Je ne dis pas non!

– Est-elle ou non Valois?

– Oh! je crois qu'elle l'est!

– Eh bien! une pension. Une pension honorable pour elle, un régiment pour son mari, un état enfin pour des rejetons de souche royale.

– Oh! doucement, doucement, madame. Diable! comme vous y allez. La petite Valois m'arrachera toujours bien assez de plumes sans que vous vous mettiez à l'aider; elle a bon bec, la petite Valois, allez!

– Oh! je ne crains pas pour vous, sire; vos plumes tiennent fort.

– Une pension honorable, Dieu merci! Comme vous y allez, madame! Savez-vous quelle saignée terrible cet hiver a faite à ma cassette? Un régiment à ce petit gendarme qui a fait la spéculation d'épouser une Valois! Eh! je n'en ai plus de régiment à donner, madame, même à ceux qui les paient et qui les méritent. Un état digne des rois dont ils descendent, à ces mendiants! Allons donc! quand nous autres rois nous n'avons plus même un état digne des riches particuliers! M. le duc d'Orléans a envoyé ses chevaux et ses meutes en Angleterre pour les faire vendre, et supprimé les deux tiers de sa maison. J'ai supprimé ma louveterie, moi. M. de Saint-Germain m'a fait réformer ma maison militaire. Nous vivons de privations, tous, grands et petits, ma chère.

– Mais cependant, sire, des Valois ne peuvent mourir de faim!

– Ne m'avez-vous pas dit que vous aviez donné cent louis?

– La belle aumône!

– C'est royal.

– Donnez-en autant, alors.

– Je m'en garderai bien. Ce que vous avez donné suffit pour nous deux.

– Alors, une petite pension.

– Pas du tout; rien de fixe. Ces gens-là vous soutireront assez pour eux-mêmes; ils sont de la famille des rongeurs. Quand j'aurai envie de donner, eh bien! je donnerai une somme sans précédents, sans obligations pour l'avenir. En un mot, je donnerai quand j'aurai trop d'argent. Cette petite Valois, mais, en vérité, je ne puis vous conter tout ce que je sais sur elle. Votre bon cœur est pris au piège, ma chère Antoinette. J'en demande pardon à votre bon cœur.

Et, en disant ces mots, Louis tendit la main à la reine, qui, cédant à un premier mouvement, l'approcha de ses lèvres.

Puis, tout à coup, la repoussant.

– Vous, dit-elle, vous n'êtes pas bon pour moi. Je vous en veux!

– Vous m'en voulez, dit le roi, vous! Eh bien! moi… moi…

– Oh! oui, dites que vous ne m'en voulez pas, vous qui me faites fermer les portes de Versailles; vous qui arrivez à six heures et demie du matin dans mes antichambres, qui ouvrez ma porte de force, et qui entrez chez moi en roulant des yeux furibonds.

Le roi se mit à rire.

– Non, dit-il, je ne vous en veux pas.

– Vous ne m'en voulez plus, à la bonne heure!

– Que me donnerez-vous, si je vous prouve que je ne vous en voulais pas, même en venant ici?

– Voyons d'abord la preuve de ce que vous dites.

– Oh! c'est bien aisé, répliqua le roi, je l'ai dans ma poche, la preuve.

– Bah! s'écria la reine avec curiosité en se soulevant sur son séant; vous avez quelque chose à me donner?

– J'ai à vous donner vos œufs de Pâques.

– Oh! réellement, alors vous êtes bien aimable; mais je ne vous croirai, comprenez-vous bien, que si vous étalez la preuve tout de suite. Oh! pas de subterfuge. Je parie que vous m'allez encore promettre?

Alors, avec un sourire plein de bonté, le roi fouilla dans sa poche, en y mettant cette lenteur qui double la convoitise, cette lenteur qui fait trépigner d'impatience l'enfant pour son jouet, l'animal pour sa friandise, la femme pour son cadeau.

Enfin, il finit par tirer de cette poche une boîte de maroquin rouge artistement gaufrée et rehaussée de dorures.

– Un écrin! dit la reine, ah! voyons.

Le roi déposa l'écrin sur le lit.

La reine le saisit vivement et l'attira à elle.

À peine eut-elle ouvert la boîte, qu'enivrée, éblouie, elle s'écria:

– Oh! que c'est beau! mon Dieu! que c'est beau!

Le roi sentit comme un frisson de joie qui lui chatouillait le cœur.

– Vous trouvez? dit-il.

La reine ne pouvait répondre, elle était haletante.

Alors elle tira de l'écrin un collier de diamants si gros, si purs, si lumineux et si habilement assortis, qu'il lui sembla voir courir sur ses belles mains un fleuve de phosphore et de flammes.

Le collier ondulait comme les anneaux d'un serpent dont chaque écaille aurait été un éclair.

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