Оценить:
 Рейтинг: 0

L'abîme

Год написания книги
2017
<< 1 ... 23 24 25 26 27 28 >>
На страницу:
27 из 28
Настройки чтения
Размер шрифта
Высота строк
Поля

«Adopté à l'Hospice des Enfants Trouvés de Londres, le 3 Mars 1836, un enfant mâle du nom de Walter Wilding. – Nom et situation de l'adoptant: Madame Jane Anna Miller, veuve, agissant en cela pour sa sœur, mariée, domiciliée en Suisse.»

– Patience! – fit Obenreizer en voyant Vendale qui, malgré les efforts de Bintrey, se préparait encore à prendre la parole, – je ne cacherai plus bien longtemps le nom que vous désirez connaître. Mais, voici encore deux autres petits chiffons de papier. Voici ma troisième preuve:

«Certificat du Docteur Ganz, à Neufchâtel, daté de Juillet 1838.»

– Le docteur certifie – vous lirez tout à l'heure – d'abord qu'il a soigné l'enfant adopté dans toutes les maladies du jeune âge – ensuite que, trois mois avant la date de ce certificat même, le gentleman adoptant était mort; qu'à cette date juste, la veuve de ce gentleman, accompagnée de sa femme de chambre, quittait Neufchâtel pour s'en retourner en Angleterre… Un anneau encore à ajouter à toutes ces chaînes, – reprit Obenreizer, après une courte pause, – et mon devoir sera rempli… La femme de chambre en question demeura au service de cette dame jusqu'à la mort de celle-ci, il n'y a que peu d'années. Elle pourrait donc affirmer l'identité de l'adopté qu'elle a suivi depuis son enfance jusqu'à l'âge viril. Voilà son adresse en Angleterre… et ceci. Monsieur Vendale, est ma quatrième et dernière preuve.

– Pourquoi vous adressez vous à moi? – dit Vendale, tandis qu'Obenreizer jetait l'adresse écrite sur la table.

– Parce que vous êtes cet homme! Parce que si ma nièce vous épouse, elle épousera un bâtard, élevé par la charité publique; elle épousera un imposteur, sans nom, sans famille, qui fait le personnage d'un gentleman et qui n'est qu'un masque.

– Bravo! – s'écria Bintrey, – admirablement engagé, Monsieur Obenreizer; je n'ajouterai qu'un mot à ce que vous venez de dire!.. Votre nièce épouse, grâce à vos efforts et à votre heureuse intervention, un homme qui hérite d'une belle fortune!.. George Vendale, comme co-exécuteur testamentaire, souffrez que je me félicite en même temps que vous. Le dernier vœu terrestre de notre pauvre ami est accompli. Nous avons trouvé le véritable Walter Wilding… ah! ah! c'est Monsieur Obenreizer lui-même qui le dit: Vous êtes cet homme!

Ces derniers mots arrivèrent sans qu'il les entendit à l'oreille de Vendale. En ce moment il n'avait conscience que d'une sensation unique et délicieuse, il n'écoutait qu'une voix, celle de Marguerite qui lui disait:

– George, je ne vous ai jamais tant aimé que je vous aime.

Le rideau tombe

C'est le premier jour de Mai. On se prépare à des réjouissances sans exemple au Carrefour des Écloppés. Les cheminées fument, la salle à manger patriarcale est tapissée de guirlandes de fleurs; Madame Goldstraw, la respectable femme de charge, est dans le feu du combat. C'est aujourd'hui que le jeune maître du logis épouse au loin sa belle fiancée, – au loin, bien au loin, en Suisse, dans la petite ville de Brietz, au pied du Simplon, tout près de ce gouffre terrible d'où l'ont retiré vivant son courage et son amour.

Les cloches, à Brietz, sonnent à toute volée. Les rues sont pavoisées de drapeaux et retentissent du bruit de la musique et des carabines. Des tonneaux de vin ornés de banderoles laissent couler la précieuse liqueur sous une tente qu'on a dressée devant l'auberge, et l'on y prépare un banquet où tout le monde viendra s'asseoir.

Pourquoi ces cloches? Pourquoi ces bannières? Ces draperies aux fenêtres, ces coups de feu, et cet orchestre? Pourquoi la petite ville est-elle en liesse? Pourquoi le cœur de ces rustiques habitants est-il en joie?

La nuit dernière, la tempête a mugi; les montagnes sont de nouveau couvertes de neige; mais le soleil brille, l'air est frais et embaumé; les clochers de zinc des villages dans la vallée ressemblent à de l'argent bruni; la chaîne des Alpes, aussi loin qu'on peut l'embrasser du regard, est un long nuage blanc, dans le ciel bleu.

Par les soins des bonnes gens de Brietz, un arc de triomphe en feuillage s'élève en travers de la rue que les nouveaux mariés vont suivre en revenant de l'église.

On y lit d'un côté cette inscription:

Honneur et Amour.

De l'autre:

À Marguerite Vendale.

C'est qu'ils sont fiers de leur jeune et belle compatriote, c'est qu'ils en sont enthousiastes. Ils veulent la saluer par le nom de son mari, au sortir de l'église. C'est une surprise qu'ils lui ont ménagée. Aussi vont-ils la conduire au temple par des rues tortueuses qui passent derrière les maisons.

Voilà sans doute un projet qui n'était pas difficile à accomplir dans cette tortueuse ville de Brietz.

Ainsi tout est prêt. C'est à pied qu'on se rendra à l'église, et l'on en reviendra de même. Dans la plus belle chambre de l'auberge ornée pour la fête, les fiancés, le notaire de Neufchâtel, Monsieur Bintrey, Madame Dor, et un certain compagnon gros et grand populaire sons le nom de Monsieur Zhoé-Lad-elle étaient réunis.

En vérité Madame Dor était gantée d'une paire de gants qui étaient à elle. Elle ne levait plus les bras au ciel, mais elle les avait jetés tous les deux autour du cou de la mariée; le reste de l'assistance devait se contenter de la vue de son large dos jusqu'à la fin.

– Mon amour, ma beauté, – soupirait la bonne dame, – pardonnez-moi d'avoir jamais pu être sa chatte.

– Sa chatte, Madame Dor? – répéta Marguerite au comble de l'étonnement.

– Eh! oui, sa chatte, ma mignonne, car j'étais chargée de surveiller la charmante petite souris…

Et cette explication originale de son ancienne soumission à Obenreizer ne sortit de la bouche de Madame Dor qu'avec un cruel sanglot.

– Madame Dor, vous avez été toujours notre meilleure amie… George, dites-le-lui donc, que nous la regardons comme notre amie!

– Sûrement, ma chérie, que serions-nous devenus sans elle?

– Vous êtes tous les deux si généreux et si bons; – s'écria la vieille Suissesse repentante.

Puis revenant à son idée:

– C'est égal, – dit-elle, – j'ai été sa chatte!..

– Oui, mais comme la chatte des contes de fées, ma bonne Madame Dor, – dit Vendale en l'embrassant sur les deux joues. – Vous êtes une femme loyale et franche, et la sympathie que vous aviez pour les deux pauvres amoureux au supplice a été aussi franche que votre cœur.

– Je ne veux en aucune façon priver Madame Dor de sa part d'embrassades, – fit Bintrey en tirant sa montre, – et je ne trouve pas mauvais de vous voir réunis tous trois dans un coin comme les Trois Grâces. Je fais simplement la remarque que l'heure est venue et que nous pourrions nous mettre en marche. Quel est votre sentiment à ce sujet, Monsieur Laddle?

– Limpide, Monsieur, – répliqua Joey avec une grimace tout aimable. – C'est étonnant, Monsieur, comme je me sens limpide dans tout mon être, depuis que j'ai vécu quelques semaines sur la terre. Jamais je n'y avais passé si longtemps et cela m'a fait beaucoup de bien. Par exemple, je conviens que si, au Carrefour des Écloppés, je me trouve quelquefois un peu trop au-dessous de la terre, au sommet du Simplon, je me trouvais un peu trop au-dessus. J'ai rencontré le milieu ici, Monsieur… Là, si j'ai jamais pris la vie gaiement depuis que je suis au monde, c'est bien aujourd'hui. Et je compte le montrer en portant certain toast à table. Voilà mon toast: «Que Dieu les bénisse tous les deux!»

– J'appuierai le toast, – fit Bintrey. – Et maintenant, Monsieur Voigt, à nous deux, comme de vieux amis. Bras dessus, bras dessous, marchons ensemble.

La foule attendait aux portes, on prit gaiement le chemin de l'église, et cet heureux mariage fut accompli.

La cérémonie n'était point encore terminée quand on vint du dehors quérir le notaire.

Il sort, et bientôt de retour, il se tient debout, derrière Vendale, qu'il touche à l'épaule.

– Allez à la porte de côté, – dit-il, – et seul. Confiez-moi votre femme pour un moment.

Sur le seuil de cette porte se tenaient les deux guides de l'Hospice, couverts de neige, exténués par une longue route. Ils souhaitèrent toutes sortes de bonheur à Vendale, puis…

Puis chacun d'eux mit sa forte main sur l'épaule du jeune homme, et le premier lui dit:

– La litière est ici, la même dans laquelle on vous a transporté à l'Hospice, la même!..

– La litière, ici! – fit Vendale. – Pourquoi?

– Silence… Pour l'amour de votre femme… Votre compagnon de ce jour-là…

– Que lui est-il arrivé?

Le guide regarda son camarade comme pour le sommer de lui donner du courage.

– Il est là, – dit-il.

– Pendant quelques jours, – reprit le guide, – il a vécu au premier Refuge. Le temps était alternativement beau et mauvais…

– Eh bien? – fit Vendale.
<< 1 ... 23 24 25 26 27 28 >>
На страницу:
27 из 28