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Plus fort que Sherlock Holmès

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« M. Halliday, de Virginie: – Je propose un second amendement visant la substitution de M. Harvey Davis, de l'Orégon, à M. Messick. Vous estimerez sans doute avec moi que les labeurs et les privations de la vie de frontière ont dû rendre M. Davis quelque peu coriace; mais, Messieurs, pouvons-nous, à un moment aussi tragique, ergoter sur la qualité de la chair humaine? Pouvons-nous discuter sur des pointes d'aiguilles? Avons-nous le droit de nous arrêter à des considérations sans importance? Non, Messieurs; la corpulence, voilà tout ce que nous demandons; l'embonpoint, le poids sont à nos yeux les principales qualités requises: le talent, le génie, la bonne éducation, tout cela nous est indifférent. J'attire votre attention sur le sens de mon amendement.

« M. Morgan (très agité): – Monsieur le Président, en principe, je suis pour ma part absolument opposé à cet amendement. Le citoyen de l'Orégon est vieux; de plus, il est fortement charpenté, et très peu dodu. Que ces Messieurs me disent s'ils préfèrent le pot-au-feu à une alimentation substantielle? et s'ils se contenteraient de « ce spectre de l'Orégon » pour assouvir leur faim? Je demande à M. Halliday, de Virginie, si la vue de nos visages décavés, de nos yeux hagards ne lui fait pas horreur; s'il aura le courage d'assister plus longtemps à notre supplice en prolongeant la famine qui déchire nos entrailles et en nous offrant le paquet d'os que représente le citoyen en question? Je lui demande s'il réfléchit à notre triste situation, à nos angoisses passées, à notre avenir effroyable; va-t-il persister à nous jeter en pâture cette ruine, cette épave, ce vagabond misérable et desséché, des rives inhospitalières de l'Orégon? Non! il ne l'osera pas! (Applaudissements.)

« La proposition fut mise aux voix et repoussée après une discussion violente. M. Harris restait désigné, en conformité du premier amendement. Le scrutin fut ouvert. Il y eut cinq tours sans résultat. Au sixième, M. Harris fut élu, tous les votes, sauf le sien, s'étant portés sur son nom. Il fut alors proposé que ce scrutin serait ratifié par un vote unanime à mains levées; mais l'unanimité ne put être obtenue, M. Harris votant encore contre lui-même.

« M. Radiway proposa alors que l'assemblée fît son choix parmi les derniers candidats, et que l'élection eût lieu sans faute pour le déjeuner. Cette proposition fut acceptée.

« Au premier tour, il y eut scission: les uns penchaient en faveur d'un candidat réputé très jeune; les autres lui préféraient un autre homme de belle stature. Le vote du président fit incliner la balance du côté du dernier, M. Messick; mais cette solution déplut fortement aux partisans de M. Ferguson, le candidat battu; on songea même un instant à demander un nouveau tour de scrutin; bref, tous décidèrent d'ajourner la solution, et la séance fut levée de suite.

« Les préparatifs du repas détournèrent l'attention du parti Ferguson et au moment où le fil de la discussion allait reprendre, on annonça en grande pompe que M. Harris était servi. Cette nouvelle produisit un soulagement général.

« Les tables furent improvisées avec les dossiers de fauteuils des compartiments, et nous nous assîmes, la joie au cœur, en pensant à ce régal après lequel nous soupirions depuis une grande semaine. En quelques instants, nous avions pris une tout autre physionomie. Tout à l'heure le désespoir, la misère, la faim, l'angoisse fiévreuse, étaient peints sur nos visages; maintenant une sérénité, une joie indescriptible régnaient parmi nous; nous débordions de bonheur. J'avoue même sans fausse honte que cette heure de soulagement a été le plus beau moment de ma vie d'aventures.

« Le vent hurlait au dehors et fouettait la neige autour de notre prison, mais nous n'en avions plus peur maintenant.

« J'ai assez aimé Harris. Il aurait pu être mieux cuit, sans doute, mais en toute justice, je dois reconnaître qu'aucun homme ne m'agréa jamais autant que Harris et ne me procura autant de satisfaction. Messick ne fut pas précisément mauvais, bien qu'un peu trop haut en goût; mais pour la saveur et la délicatesse de la chair, parlez-moi de Harris.

« Messick avait certainement des qualités que je ne lui contesterai pas, mais il ne convenait pas plus pour un petit déjeuner qu'une momie (ceci soit dit sans vouloir l'offenser). Quelle maigreur !! mon Dieu! et dur !! Ah! vous ne vous imaginerez jamais à quel point il était coriace! Non jamais, jamais !

– Me donnez-vous à entendre que réellement vous… ?

– Ne m'interrompez pas, je vous en prie.

« Après ce frugal déjeuner, il fallait songer au dîner; nous portâmes notre choix sur un nommé Walker, originaire de Détroit. Il était excellent; je l'ai d'ailleurs écrit à sa femme un peu plus tard. Ce Walker! je ne l'oublierai de ma vie! Quel délicieux morceau! Un peu maigre, mais succulent malgré cela. Le lendemain, nous nous offrîmes Morgan de l'Alabama pour déjeuner. C'était un des plus beaux hommes que j'aie jamais vus, bien tourné, élégant, distingué de manières; il parlait couramment plusieurs langues; bref un garçon accompli, qui nous a fourni un jus plein de saveur. Pour le dîner, on nous prépara ce vieux patriarche de l'Orégon. Là, nous reçûmes un superbe « coup de fusil »; – vieux, desséché, coriace, il fut impossible à manger. Quelle navrante surprise pour tous! A tel point que je finis par déclarer à mes compagnons: – Messieurs, faites ce que bon vous semble; moi, je préfère jeûner en attendant meilleure chère.

« Grimes, de l'Illinois, ajouta: – Messieurs, j'attends, moi aussi. Lorsque vous aurez choisi un candidat qui soit à peu près « dégustable », je serai enchanté de m'asseoir à votre table.

« Il devint évident que le choix de l'homme de l'Orégon avait provoqué le mécontentement général. Il fallait à tout prix ne pas rester sur cette mauvaise impression, surtout après le bon souvenir que nous avait laissé Harris. Le choix se porta donc sur Baker, de Géorgie.

« Un fameux morceau celui-là! Ensuite, nous nous offrîmes Doolittle, Hawkins, Mac Elroy, – ce dernier, trop petit et maigre, nous valut quelques protestations. Après, défilèrent Penrol, les deux Smiths et Bailey; ce dernier avec sa jambe de bois nous donna du déchet, mais la qualité était irréprochable; ensuite un jeune Indien, un joueur d'orgue de Barbarie, un nommé Bukminster, – pauvre diable de vagabond, décharné; il était vraiment indigne de figurer à notre table.

« Comme consolation d'une si maigre pitance, nous pouvons nous dire que ce mauvais déjeuner a précédé de peu notre délivrance.

– L'heure de la délivrance sonna donc enfin pour vous ?

– Oui, un beau matin, par un beau soleil, au moment où nous venions d'inscrire John Murphy sur notre menu. Je vous assure que ce John Murphy devait être un « morceau de roi »; j'en mettrais ma main au feu. Le destin voulut que John Murphy s'en retournât avec nous dans le train qui vint à notre secours. Quelque temps après il épousa la veuve de Harris !!..

– La victime de… ?

– La victime de notre première élection. Il l'a épousée, et maintenant il est très heureux, très considéré et a une excellente situation. Ah! cette histoire est un vrai roman, je vous assure! Mais me voici arrivé, monsieur, il faut que je vous quitte. N'oubliez pas, lorsque vous aurez quelques instants à perdre, qu'une visite de vous me fera toujours le plus grand plaisir. J'éprouve pour vous une réelle sympathie, je dirai même plus, une sincère affection. Il me semble que je finirais par vous aimer autant que Harris. Adieu monsieur, et bon voyage. »

Il descendit; je restai là, médusé, abasourdi, presque soulagé de son départ. Malgré son affabilité, j'éprouvais un certain frisson en sentant se poser sur moi son regard affamé. Aussi, lorsque j'appris qu'il m'avait voué une affection sincère, et qu'il me mettait dans son estime sur le même pied que feu Harris, mon sang se glaça dans mes veines !

J'étais littéralement transi de peur. Je ne pouvais douter de sa véracité; d'autre part il eût été parfaitement déplacé d'interrompre par une question inopportune un récit aussi dramatique, présenté sous les auspices de la plus grande sincérité. Malgré moi, ces horribles détails me poursuivaient et hantaient mon esprit de mille idées confuses. Je vis que le conducteur m'observait; je lui demandai: Qui est cet homme ?

J'appris qu'il faisait autrefois partie du Congrès et qu'il était un très brave homme. Un beau jour, pris dans une tourmente de neige et à deux doigts de mourir de faim, il a été tellement ébranlé par le froid et révolutionné, que deux ou trois mois après cet incident, il devenait complètement fou. Il va bien maintenant, paraît-il, mais la monomanie le tient et lorsqu'il enfourche son vieux « dada », il ne s'arrête qu'après avoir dévoré en pensée tous ses camarades de voyage. Tous y auraient certainement passé, s'il n'avait dû descendre à cette station; il sait leurs noms sur le bout de ses doigts. Quand il a fini de les manger tous, il ne manque pas d'ajouter: « L'heure du déjeuner étant arrivée, comme il n'y avait plus d'autres candidats, on me choisit. Élu à l'unanimité pour le déjeuner, je me résignai. Et me voilà. »

C'est égal! j'éprouvai un fameux soulagement en apprenant que je venais d'entendre les élucubrations folles d'un malheureux déséquilibré et non le récit des prouesses d'un cannibale avide de sang.

L'HOMME AU MESSAGE POUR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL

I

Il y a quelques jours, au commencement de février 1900, je reçus la visite d'un de mes amis qui vint me trouver à Londres où je réside en ce moment. Nous avons tous deux atteint l'âge où, en fumant une pipe pour tuer le temps, on parle beaucoup moins volontiers du charme de la vie que de ses propres ennuis. De fil en aiguille, mon ami se mit à invectiver le Département de la Guerre. Il paraît qu'un de ses amis vient d'inventer une chaussure qui pourrait être très utile aux soldats dans le Sud Africain.

C'est un soulier léger, solide et bon marché, imperméable à l'eau et qui conserve merveilleusement sa forme et sa rigidité. L'inventeur voudrait attirer sur sa découverte l'attention du Gouvernement, mais il n'a pas d'accointances et sait d'avance que les grands fonctionnaires ne feraient aucun cas d'une demande qu'il leur adresserait.

– Ceci montre qu'il n'a été qu'un maladroit, comme nous tous d'ailleurs, dis-je en l'interrompant. Continuez.

– Mais pourquoi dites-vous cela? Cet homme a parfaitement raison.

– Ce qu'il avance est faux, vous dis-je. Continuez.

– Je vous prouverai qu'il…

– Vous ne pourrez rien prouver du tout. Je suis un vieux bonhomme de grande expérience. Ne discutez pas avec moi. Ce serait très déplacé et désobligeant. Continuez.

– Je veux bien, mais vous serez convaincu avant longtemps. Je ne suis pas un inconnu, et pourtant il m'a été aussi impossible qu'à mon ami, de faire parvenir cette communication au Directeur Général du Département des Cuirs et chaussures.

– Ce deuxième point est aussi faux que le premier. Continuez !

– Mais, sur mon honneur, je vous assure que j'ai échoué.

– Oh! certainement, je le savais, vous n'aviez pas besoin de me le dire.

– Alors? où voyez-vous un mensonge ?

– C'est dans l'affirmation que vous venez de me donner de l'impossibilité où vous croyez être d'attirer l'attention du Directeur Général sur le rapport de votre ami. Cette affirmation constitue un mensonge; car moi je prétends que vous auriez pu faire agréer votre demande.

– Je vous dis que je n'ai pas pu. Après trois mois d'efforts; je n'y suis pas arrivé.

– Naturellement. Je le savais sans que vous preniez la peine de me le dire. Vous auriez pu attirer son attention immédiatement si vous aviez employé le bon moyen, j'en dis autant pour votre ami.

– Je vous affirme que j'ai pris le bon moyen.

– Je vous dis que non.

– Comment le savez-vous? Vous ignorez mes démarches.

– C'est possible, mais je maintiens que vous n'avez pas pris le bon moyen, et en cela je suis certain de ce que j'avance.

– Comment pouvez-vous en être sûr, quand vous ne savez pas ce que j'ai fait ?

– Votre insuccès est la preuve certaine de ce que j'avance. Vous avez pris, je le répète, une fausse direction. Je suis un homme de grande expérience, et…

– C'est entendu, mais vous me permettrez de vous expliquer comment j'ai agi pour mettre fin à cette discussion entre nous.

– Oh, je ne m'y oppose pas; continuez donc, puisque vous éprouvez le besoin, de me raconter votre histoire. N'oubliez pas que je suis un vieux bonhomme…
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