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Contes bruns

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»Je crus que l'hôtesse allait se trouver mal.

»Les renseignemens que m'avait donnés le père Anselme étaient si précis, j'affectais une si complète ignorance du rôle important que l'hôtesse avait joué dans l'aventure, enfin j'étais si bien instruit qu'elle fut obligée de convenir que tout était vrai et que son auberge avait été le théâtre de l'aventure. Je ne voulus pas pousser plus loin mon enquête, et le lendemain je partis pour Londres sans vouloir lui dire mon nom. Il me restait une dernière et faible espérance, la possibilité de quelque méprise qui aurait disculpé Marie, et m'aurait rendu le bonheur. Qu'on imagine avec quelles palpitations de coeur je retrouvai le foyer domestique!

»Marie, en me voyant, se jeta dans mes bras avec une effusion de sensibilité qui me toucha d'abord; puis songeant à sa perfidie, je crus sentir les étreintes d'un serpent, et je fus près de la repousser: je me contraignis. Avec quelle admiration maternelle elle me parla de la beauté de nos enfans, de leurs grâces enfantines et de ses espérances! Comme je souffrais, monsieur, de tout ce qui, sans cette fatale circonstance, m'eût pénétré de bonheur! Chaque battement de mes veines était une douleur; chacune de ses paroles me frappait comme une blessure. Elle pleurait, tout agitée encore de la joie de mon retour, et comme je l'observais d'un air sombre, je crus découvrir dans son regard je ne sais quelle lueur étrange; cet indice excepté, tout en elle respirait la tendresse et la candeur. Pour moi, je n'y voyais que ruse et déception. Elle m'amena ses enfans avec une allégresse et un triomphe de mère: il était impossible de conserver l'ombre d'un soupçon en la regardant; mais elle se détourna, je l'épiai, et je la vis essuyer furtivement des larmes qui coulaient de ses yeux. C'était pour moi la preuve d'un remords qui se trahissait involontairement, le témoignage d'une angoisse secrète infligée par le repentir à cette ame qui n'était point encore entièrement corrompue.

»Je ne sais si ma femme s'aperçut de la contrainte et du tourment que j'éprouvais, il y eut entre nous un moment d'embarras et de silence, puis je pris tout à coup ma résolution.

» – Emmenez les enfans dans la chambre de leur nourrice.

»On les emmena, je restai en silence: Marie les vit partir sans leur adresser un mot, sans leur faire une caresse; sa stupeur acheva de me convaincre. Quand la porte fut fermée je la regardai, elle était pâle; elle arrêtait sur moi un oeil hagard, et restait muette devant moi.

» – Madame, veuillez répondre à quelques questions.

»Elle se tut.

» – Quand avez-vous fait connaissance avec sir Ormond Mondeville?

»Point de réponse.

» – Est-ce dans votre voyage de Londres à Bath?

»Même silence.

» – Répondez-moi, malheureuse femme; je voudrais pour tout au monde vous arracher au coup de l'infamie qui vous flétrit. Répondez!

»A ces mots je me levai; elle se leva aussi, étendit ses bras vers moi, puis laissa échapper un éclat de rire convulsif, mouvement si terrible, si hideux à voir, et accompagné d'un cri si aigu que vous auriez frémi, que je tremble encore d'horreur en me le rappelant. Puis elle me contempla un instant d'un air solennel, et tomba par terre. Je commandai au domestique de la porter dans sa chambre. Un reste de tendresse me parlait pour elle; je pris soin d'elle, et aussitôt qu'elle eut repris l'usage de ses sens, je sortis pour me rendre chez son père. C'est un plus des vénérables vieillards de la pairie anglaise; homme froid, d'une probité à toute épreuve, et d'une rare hauteur de raison. J'étais si douloureusement ému que, lorsque je le vis, les larmes jaillirent de mes yeux.

»Sa froideur m'étonna. Elle contrastait avec mon émotion et semblait me la reprocher. D'un air de réserve et de hauteur cérémoniale, il me demanda ce que je venais faire en Angleterre, depuis combien du temps j'y étais, et si je comptais y rester long-temps. Je me persuadai qu'il savait d'avance les torts de sa fille, et que sa froideur avec moi n'était qu'un moyen d'éloigner les reproches que j'avais à lui faire. Dans tous les temps, il est vrai, je l'avais vu froid, posé, et ses ennemis taxaient de morgue et d'insolence aristocratique la réserve de ses manières. Mais bouleversé comme je l'étais, il me semblait que cette froideur était une insulte à mon émotion. Je m'armai de courage, mes larmes se tarirent, et je lui fis à mon tour, d'un ton calme et concentré, le récit de mon aventure à Messine et de ma visite à Bath. Je ne lui cachai aucune particularité, ni la lecture de ce fatal article de journal, ni les conseils du père Anselme, ni ma conversation avec l'hôtesse.

»Il m'écouta en silence. Sa fille avait paru consternée, lui n'était qu'attentif. Il fit plusieurs tours dans sa galerie d'un air méditatif, passant souvent sa main sur son front, mais sans trahir aucune émotion par ses gestes ou ses paroles.

» – Cela n'est pas impossible, me dit-il ensuite en croisant les bras et s'arrêtant devant moi.

»C'était un caractère profond, parfaitement maître de lui-même dans toutes les circonstances, qui exprimait toujours une pensée par une parole et cachait la plus grande partie de ses pensées. Il continua cependant:

» – Ce que vous me dites est étrange; nous verrons.

»Une larme roulait dans ses yeux, il se hâta de l'essuyer. La douleur de cet homme vénérable, cette double souffrance de l'orgueil et de l'amour paternel, cette larme arrachée à un vieillard toujours calme et maître de lui, m'ébranlèrent jusqu'au fond de l'ame. Je me levai brusquement. Tout semblait confirmer nos soupçons.

» – Je partirai bientôt, lui dis-je; d'ici à mon départ, j'habiterai la maison de ma mère, où je vais faire conduire mes enfans.

» – Vous n'avez pas perdu de temps, monsieur, et vous allez bien vite: au surplus, je passerai chez vous dans la journée.

»Nous nous quittâmes froidement. J'étais déterminé à faire avec la plus grande promptitude les démarches nécessaires pour hâter le divorce, et je ne doutai pas un moment de la justesse de nos soupçons. Si les preuves légales du crime manquaient, toutes les preuves morales concouraient à le prouver: la consternation de Marie, le long silence de son père, le trouble et l'aveu de l'aubergiste, ces fatales initiales employées par le journaliste, ce voyage de Bath qui se trouvait à la fois dans le récit du jeune homme, dans la lettre de ma femme et dans l'article du journal. Ma tête brûlait, mon corps chancelait quand j'arrivai chez ma mère. Les caresses de mes enfans, que j'envoyai chercher, ne me touchèrent pas. Ma mère, à qui l'on avait appris l'état où se trouvait ma femme et mon départ précipité, était sortie. Je sus plus tard qu'elle s'était rendue chez moi; mais dans le premier moment, son absence me surprit. Craint-elle, me dis-je, de retrouver un fils malheureux, et a-t-elle à se reprocher de n'avoir pas prévenu ma douleur par des conseils assez sévères et une surveillance assez attentive? Hélas! j'étais injuste, et j'oubliais que le premier mouvement d'une mère est de s'élancer chez un fils souffrant.

»Je m'étendis sur un sofa, et j'attendis avec angoisses. A l'instant où je me levais pour aller à sa recherche, ma mère entra, et quelques minutes après on annonça lord Barndale, père de Marie. Ma mère n'avait eu que le temps de prononcer ces paroles:

» – Je viens de chez vous: votre femme est partie dans une voiture de louage, sans dire où elle allait.

»Lord Barndale venait aussi de ma maison; il y avait sur sa figure une expression de résolution et de douleur.

– »J'ai pensé, monsieur, me dit-il, à tout ce que vous m'avez appris; ne jouons pas notre bonheur et notre repos. Il peut y avoir erreur dans tout cela. Nous allons monter dans la même chaise de poste, et nous irons à l'instant trouver cette femme qui n'imposera pas à notre crédulité. Nous la paierons, mais pour nous faire des révélations complètes. Venez, monsieur.

»Ses mains se serraient convulsivement. Je pris mon chapeau. Nous partîmes, et pendant toute la route nous ne prononçâmes pas un mot. Nous arrivâmes le soir même de bonne heure à l'auberge. Quel fut mon étonnement ou plutôt mon indignation quand je vis Marie dans le parloir! Elle était donc venue s'assurer de la discrétion de l'hôtesse, et sa présence seule dans ce lieu était une preuve de sa faute.

» – Vous ici, madame, lui dis-je! comment y êtes-vous venue? pourquoi?.. Qui vous a donc appris que je fusse venu ici avant vous?.. N'espérez pas…

»Elle m'interrompit en tirant vivement le cordon de la sonnette; l'hôtesse se présenta. Marie voulut parler, je lui imposai silence, et je dit à la maîtresse de l'hôtel:

» – Lady Osprey n'a-t-elle point passé une nuit dans votre auberge, dans le même lit que sir Ormond Mondeville?

»L'hôtesse pâle hésita un moment.

» – Vous me l'avez dit, repris-je; n'en êtes-vous pas convenue?

» – Oui, monsieur.

» – Quel nom? Répondez. Quel est le nom de cette femme?

» – Vous venez de le prononcer.

» – Lady Osprey?

» – Oui.

» – Je vais parler à madame, disait d'une voix entrecoupée Marie, qui, depuis son enfance sujette à des palpitations violentes, avait appuyé sa main sur son coeur et avait peine à prononcer ce peu de mots. Elle se leva en tremblant, et regardant l'hôtesse, elle lui dit:

» – Suis-je lady Osprey?

»L'hôtesse se tut quelques momens, parut incertaine, et dit enfin:

» – Non, madame.

» – Ces ruses ne me tromperont pas, Marie; c'est une adresse inutile. Combien avez-vous donné à cette femme? Sir Ormond Mondeville lui a donné cent guinées.

»Marie me regarda. Au nom de sir Ormond, l'hôtesse tressaillit, et je me tournai vers lord Barndale.

» – Croyez-vous, lui demandai-je, que l'on puisse trop payer cette femme pour savoir d'elle la vérité?

» – Non certes, dit le père.

»Son énergie était vaincue.

» – Marie, disait-il, vous que j'ai élevée, vous que j'aimais! est-il possible? répondez, vous être livrée à cet homme!

» – Vous n'êtes pas convaincu? dit Marie; eh bien! voici ce que j'exige: allons à Bath. Faites ce que je désire; il faut que cette femme vienne avec nous. Et vous, mon père, prenez-moi sous votre protection.

»Elle avait l'air de souffrir beaucoup en parlant.
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